« Papa, nous sommes tellement fiers d'être tes enfants. Le phare s'est éteint, mais la lumière demeure en nous », a témoigné avec émotion Marie-Anne Lapierre, la fille de Jean Lapierre. Des centaines de proches, amis et politiciens de toute allégeance se sont réunis samedi matin à l'église Saint-Viateur d'Outremont pour assister aux funérailles montréalaises de l'ex-ministre fédéral et commentateur et de sa conjointe Nicole Beaulieu, morts tragiquement le 29 mars dernier aux Iles-de-la-Madeleine.

Première à prononcer une éloge funèbre, aux côtés de son frère Jean-Michel, Marie-Anne Lapierre a parlé avec amour de son père et de sa belle-mère, la voix parfois brisée par l'émotion. « Mon père était de cette lignée : solide, droit, fier. Il refusait de s'incliner devant les épreuves et les injustices, il luttait et donnait pour faire la différence, parce qu'il aimait les gens. » 

«Tu es la personne qui m'a fait le plus pleuré...» Le journaliste Paul Larocque a livré un hommage très senti à son ami et collègue Jean Lapierre. « [Jean] était un homme grand, un homme bon, un homme qui m'a marqué à jamais, qui a marqué les siens, qui a marqué le Québec profondément au fond du coeur. Le Québec a le coeur brisé depuis le 29 mars », a-t-il témoigné, ému. L'homme d'affaires Bernard Poulin, un grand ami de Jean Lapierre a aussi prononcé un éloge funèbre, décrivant le défunt comme un « Robin des bois des temps modernes».

Son complice de toujours à la radio, Paul Arcand, a salué l'«homme de coeur» et le «fier Madelinot» qui se battait pour ses valeurs profondes. «Il aimait le monde. Rien de faux, que du vrai. La chaleur humaine était son carburant». Comme plusieurs autres durant la cérémonie, l'animateur Paul Houde a raconté plusieurs anecdotes sur Jean Lapierre, notamment sur l'amour qu'il vouait à son patelin, les Iles-de-la-Madeleine. « Quel conteur tu étais! Et en bon politicien, tu nous as tous convaincus que le meilleur homard était celui des Iles-de-la-Madeleine! »

L'ex-premier ministre du Canada Paul Martin a dit adieu à Jean Lapierre et à Nicole Beaulieu, l'«âme soeur» et le «pilier» de son allié politique de longue date, le seul qui pouvait «expliquer le Québec au reste du Canada et le Canada au Québec» «Jean, tu nous as quitté, mais ton souvenir ne nous quittera jamais. Salut, salut mon ami ! L'écho de ta voix me manque déjà», a dit Paul Martin, en regardant vers le ciel, ému.

L'ancien premier ministre du Québec Lucien Bouchard et cofondateur du Bloc québécois avec Jean Lapierre a rendu hommage à celui, qui «plus que quiconque, riait de bon coeur et faisait rire». L'ex-politicien a d'ailleurs fait bien rire la foule en décrivant un Jean Lapierre encore au travail, même au paradis. «Pouvez-vous imaginer les cotes d'écoute du reportage diffusé directement du ciel, décrivant Saint-Pierre aux prises avec le défi de faire régner la bonne entente parmi les Saints les plus turbulents et de régler les conflits entre les rares politiciens admis là-haut. J'entends déjà sur le coup matinal de 7h05 une musique céleste, suivi de «Salut, salut, la Terre!».»

Accompagné de sa soeur Marthe, Pierre Beaulieu, a parlé avec émotion, mais aussi avec humour, de sa soeur Nicole durant la cérémonie. «Perdre un être proche comme toi Nicole, c'est perdre un peu de soi-même. Perdre sa soeur, une amie, une confidente, une "chum de brosse", comme on dit au Saguenay, est une peine qu'on ne peut imaginer. Il sera très difficile de combler le vide en nous et d'apaiser la souffrance que nous ressentons», a-t-il dit. 

Des funérailles avaient déjà été organisées pour les membres de la famille Lapierre, le 8 avril dernier, devant près d'un millier de personnes aux Iles-de-la-Madeleine. En plus du couple, Marc Lapierre, Louis Lapierre, Martine Lapierre, Pascal Gosselin et Fabrice Labourel ont aussi perdu la vie dans l'accident d'avion.

La classe politique rend hommage à Jean Lapierre

Premiers ministres, ministres, maires, députés: pratiquement toute la classe politique provinciale et fédérale actuelle et des dernières décennies ont rendu hommage à Jean Lapierre devant le parvis de l'église Saint-Viateur samedi matin avant ses funérailles.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« C'est un homme extraordinaire. On ne peut pas se détacher de la peine incroyable de cette famille, cet événement tellement tragique. Pour moi, Jean était un homme de sagesse et de passion. On a eu plusieurs conversations en ondes et en privé sur la politique, sur le Québec et sur l'avenir qu'on voyait. On n'était pas toujours d'accord, mais on était toujours d'accord que ça prenait de la sagesse et de la passion pour bien refléter les valeurs des Québécois. »

Philippe Couillard, premier ministre du Québec

« Nous sommes dans son quartier. C'était un homme formidable, d'une grande profondeur, qui avait la double expérience journalistique et politique, ce qui, ma foi est rare, et qu'il mettait à profit. J'ai déjà dit qu'il mettait le ton à la journée: on écoutait beaucoup ce que Jean Lapierre disait. Il y avait des conseils dans ce qu'il disait, et pour certains d'entre eux, ont été bien entendu. [...] Au-delà de ça, souvenons-nous d'un homme que tous les Québécois aimaient. »

Denis Coderre, maire de Montréal

« On a fait des batailles ensemble, on a travaillé ensemble, on s'est pogné ensemble, on a vécu des affaires. Mon dernier voyage aux îles, c'était pour visiter son père et sa mère. On a beaucoup d'amis là-bas. Personne n'y croit... la vie continue. J'ai une pensée pour ses enfants et sa mère, aussi pour Nicole. »

Brian Mulroney, ex-premier ministre du Canada

« Il était un grand joueur dans les médias et la politique. Je l'ai connu il y a 33 ans quand il était un jeune député libéral à la Chambre des communes dans le Rat Pack. Il était vigoureux, fringant et très habile. Travaillant comme toujours. On est devenus des amis, ultimement. Il a laissé un héritage extraordinaire. C'est un gars particulièrement vaillant, qui voyait toujours à l'avancement de ses ambitions et de ses prises de position. »

Jean Charest, ex-premier ministre québécois

« J'ai eu le plaisir de connaître de M. Lapierre, parce qu'il était un voisin de circonscription en 1984. Un rival, un adversaire. Quelqu'un que j'ai revu dans les médias et que j'ai appris à mieux connaître et que j'ai même consulté. C'est un personnage unique qu'on ne reverra pas dans notre génération. Il s'est construit une place tout à fait exceptionnelle. »

Régis Labeaume, maire de Québec

« Je l'ai connu aux Iles-de-la-Madeleine, il avait décidé de nous faire découvrir les îles à sa façon, on a passé une soirée mémorable! Il me faisait fâcher de temps à autre quand il s'occupait de mes affaires, mais en dehors de cela, c'était un espèce de marchand de bonheur. Rares sont les individus qui créent du bonheur dans nos vies avec un contact assez simple. C'était un gars exceptionnel, vraiment. »

Gilles Duceppe, ancien chef du Bloc Québécois

« C'est un ami. On s'est parlé la veille [de la tragédie] par courriel. C'est terrible, particulièrement, pour sa mère. C'est quelqu'un qui était très généreux et aimé. On a travaillé ensemble dans les débuts du Bloc québécois et on avait une bonne relation. »

Pierre Karl Péladeau, chef du Parti québécois

« C'est un homme qui n'a jamais ménagé les efforts. C'est comme si il travaillait 375 jours par année. C'était un homme de conviction, qui aimait son métier. Un homme de famille. Nous sommes ici pour les accompagner dans cette immense tragédie. »

Thomas Muclair, chef du Nouveau parti démocratique

« Jean Lapierre était un ami de tous les gens qui sont ici. Il avait un don particulier pour expliquer les choses, même très compliquées, pour que tout le monde puisse comprendre. Il nous manque déjà et il va continuer de nous manquer beaucoup. »

Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères du Canada

« Jean Lapierre a été un collègue que j'ai beaucoup apprécié et surtout, ça été, le plus grand amoureux de la politique québécois. Il l'a pratiqué, il l'a observé comme pas un. »

Bernard Drainville, député péquiste

« C'est un homme qui a beaucoup donné à la vie publique comme membre du Parlement et par la suite comme commentateur politique. C'est un homme qui était capable d'humaniser et vulgariser la politique. C'est important d'avoir quelqu'un comme cela parce qu'il y a tellement de cynisme dans notre société. Je suis ici pour lui dire merci. Je m'ennuie de lui. Mes matinées ne sont plus les mêmes depuis qu'il est parti. »

- Avec La Presse Canadienne