La Ville de Montréal veut mettre la hache dans les conditions de travail « supérieures » de ses policiers et exige plus d'heures de travail de leur part. Pour dénouer l'impasse dans les négociations, la Fraternité des policiers et policières de la Ville de Montréal vient de déposer une demande d'arbitrage au ministère du Travail.

Hausse de 6 % en trois ans

La Ville de Montréal estime que les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sont trop payés par rapport à leurs homologues de la province et aux autres employés municipaux. « Les policiers ont eu des augmentations significativement supérieures aux autres groupes de la Ville au cours des dernières années, soit 15,54 % de plus », indique un document patronal obtenu par La Presse. La Ville offre donc des augmentations salariales de 2 % aux policiers pour les années 2015 à 2017. La hausse de leur rémunération annuelle moyenne s'élève à 2,33 % depuis la fusion municipale, contre 1,83 % pour les employés municipaux, selon les calculs de la Ville. « La réduction de la rémunération globale demeure en ce sens tout à fait pertinente », justifie-t-on dans le document. La convention collective des policiers est échue depuis le 31 décembre 2014.

Les policiers ne travaillent pas assez, selon la Ville

Les quelque 6000 policiers et employés civils du SPVM ne travaillent pas suffisamment au goût de la Ville de Montréal. Selon celle-ci, les policiers montréalais travaillent « réellement » 31,5 heures par semaine. C'est trois heures de moins que leurs homologues de Québec et deux heures de moins que ceux de la Sûreté du Québec. « Pour augmenter la performance de la Ville, il faut augmenter le nombre d'heures travaillées. Dans plusieurs organisations, la semaine de travail est supérieure à 35 heures et se situe entre 36 et 37,5 heures », compare-t-on dans le document patronal. Pour arriver à cet objectif, la Ville de Montréal compte réduire le nombre d'heures d'absences rémunérées des policiers et augmenter la « prestation de travail ».

La Ville s'attaque aux banques de temps

Les banques de temps des policiers du SPVM représentent un « fardeau financier majeur » pour les finances publiques de la métropole, indique le document patronal. La Ville déplore par exemple que les employés municipaux de la métropole aient accumulé 333 millions dans des banques de temps en date du 31 décembre 2013. « En plus de représenter des sommes importantes, ces banques de temps créent éventuellement un problème d'absence tout aussi importante », déplore la partie patronale. Ainsi, la Ville de Montréal propose au syndicat d'interdire le cumul de temps (congés, heures supplémentaires, vacances) et leur transfert aux années suivantes. Les heures supplémentaires des policiers ne pourraient plus être converties en congés, selon la proposition patronale. Il serait alors impossible pour les policiers de vider leur banque de congés pour partir à la retraite un an plus tôt.

Finis les policiers qui font la circulation ?

« Dans un esprit d'optimisation de nos ressources », les policiers du SPVM ne doivent plus être les seuls travailleurs habilités à effectuer certaines tâches qu'ils réalisent actuellement, soutient un document patronal. La Ville de Montréal veut permettre à d'autres travailleurs d'être agents à la détention ou agents affectés au contrôle de la circulation sur les chantiers, les entraves routières et les artères à l'heure de pointe. Le document ne précise pas quels travailleurs pourraient remplir ces tâches. Par ailleurs, la partie patronale veut forcer les policiers des unités spécialisées avec une prime de spécialité à demeurer dans leur fonction pour un minimum de cinq ans, à moins de prendre leur retraite.

Plus de flexibilité, demande la Ville

La Ville de Montréal demande au syndicat de réduire les délais prévus à la convention collective pour modifier les horaires des policiers afin de « limiter le recours » aux heures supplémentaires. « Le nombre grandissant d'évènements imprévus de toutes sortes de même que la mouvance de la criminalité exige beaucoup d'agilité. [...] Il devient important d'être en mesure de déployer les ressources avec un minimum de contraintes ou d'impacts au niveau des coûts », explique-t-on dans le document patronal. De façon plus globale, la Ville veut « revoir la notion d'assignation » des policiers pour améliorer la « flexibilité dans l'utilisation des ressources ».

Négociations au point mort

Ces propositions patronales ont été très mal reçues dans le camp syndical, alors que le moral des policiers est déjà au plus bas au SPVM, selon nos sources. Les négociations entre la Fraternité et la Ville de Montréal sont d'ailleurs au point mort depuis que trois rencontres ont eu lieu à la fin de l'année dernière avec le négociateur de la Ville, Robert Bouvier. L'embauche de cet ex-président du syndicat des Teamsters du Canada avait suscité l'ire de l'opposition en janvier dernier en raison de ses liens personnels avec le maire Denis Coderre. La Fraternité des policiers et policières de la Ville de Montréal n'a pas voulu émettre de commentaires en raison des négociations en cours. La Ville de Montréal nous a dirigés vers le SPVM, qui n'a pas voulu commenter lui non plus.

Demande d'arbitrage

La Fraternité a demandé la semaine dernière au ministère du Travail d'avoir recours à l'arbitrage pour décréter les conditions de la convention collective. En cas d'impasse dans les négociations impliquant des policiers et des pompiers, le Code du travail stipule que l'un des partis peut soumettre le différend à un arbitre, sans passer par le processus de conciliation. Une fois que le Ministère a soumis le différend à l'arbitrage, les deux parties ont 10 jours pour choisir un arbitre à partir d'une liste dressée par le ministre. Au terme des auditions, l'arbitre rendra une « décision ayant alors valeur de convention collective ». Tout ce processus peut s'étaler sur 12 à 18 mois. En parallèle, les deux parties devront se soumettre à un processus d'arbitrage pour la restructuration du régime de retraite en vertu des dispositions de la loi 15, fortement décriée par le mouvement syndical.

- Avec Daniel Renaud, La Presse

PHOTO DAVID BOILY, Archives LA PRESSE