Bien qu'elle s'y oppose, la Ville de Montréal a l'obligation de permettre aux 440 ingénieurs, vétérinaires, arpenteurs et chimistes qu'elle emploie d'utiliser sa messagerie électronique pour transmettre un message syndical soulignant le risque inhérent au recours à l'expertise externe.

La Commission des relations du travail a donné raison au Syndicat professionnel des scientifiques à pratique exclusive de Montréal (SPSPEM), qui s'est plaint que la Ville avait tenté de mettre fin à ce moyen de pression en distribuant 50 avis disciplinaires l'automne dernier.

Ainsi, la CRT a ordonné à la Ville de Montréal « de cesser toute forme d'ingérence et d'intimidation, et toute entrave dans les activités syndicales ». Il s'agit d'une décision provisoire ; le débat sur le fond aura lieu le 11 avril prochain.

Entre-temps, le message syndical annexé aux courriels est donc maintenu. On peut y lire notamment, en référence au rapport du comité-conseil sur l'octroi et la gestion des contrats municipaux à la Ville de Montréal (rapport Léonard), déposé en mai 2013, « que le transfert de l'expertise à l'externe résulte en une surexposition aux risques et une diminution des contrôles ». Il est également précisé que la convention collective est expirée depuis décembre 2010.

AVIS DISCIPLINAIRES

Ces premières utilisations d'un équipement mis à la disposition du personnel dans le cadre de ses fonctions ont immédiatement fait bondir la Ville : rappel à l'ordre lors de rencontres individuelles ou de groupes et avis disciplinaires. « Il y a eu beaucoup d'intimidation. Ça a brassé. En fait, ça a complètement dérapé. Des employés se sont fait dire que ce serait une tache indélébile dans leur dossier s'ils voulaient postuler pour une promotion », a raconté hier le président syndical, André Émond.

Le syndicat a répliqué par une plainte à la Commission des relations du travail et a déposé autant de griefs qu'il y avait eu d'avis disciplinaires.

Selon la Ville de Montréal, le message syndical « porte préjudice aux efforts de la Ville pour rétablir ce lien de confiance avec les citoyens ». Mais le juge administratif n'a pas été convaincu par les arguments de la Ville, estimant qu'« on ne peut conclure que le propos est acrimonieux ou vindicatif ni que son contenu contient de graves inexactitudes ». « En outre, il n'y a aucune preuve que la diffusion du message syndical perturbe le travail ou compromet la gestion des affaires de l'employeur », peut-on lire dans la décision.

C'est l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ) qui a été le premier syndicat à utiliser ce moyen de pression l'année dernière. L'APIGQ a également eu gain de cause devant la CRT. Le gouvernement a porté la cause devant la Cour supérieure ; une décision est attendue.

La Presse a sollicité la Ville de Montréal, mais aucun commentaire n'a été transmis avant la fin de journée.