Le versement présumé de pots-de-vin à l'ancien maire de l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce Michael Applebaum s'est effectué de différentes façons, notamment en remplissant d'argent comptant une boîte de DVD aux couleurs de la série d'espionnage 24 heures chrono.

C'est là l'un des éléments relatés par la sergente-détective Carole Parent, de l'escouade Marteau intégrée à l'Unité permanente anticorruption (UPAC), dans un document judiciaire qui a permis à la police d'effectuer une perquisition en 2013. Quelques mois plus tard, en juin 2013, Michael Applebaum a été arrêté puis accusé de 14 chefs, notamment de fraude, de complot et d'abus de confiance.

Au moment de son arrestation, Michael Applebaum était devenu maire de Montréal en remplacement de Gérard Tremblay, qui avait quitté ses fonctions en novembre 2012.

La déclaration sous serment de la policière Parent était largement connue, mais certaines parties étaient frappées d'un interdit de publication. Le quotidien Montreal Gazette a obtenu d'un tribunal la levée de l'ordonnance de non-publication vendredi dernier.

Intermédiaire politique

Le témoignage de l'ancien chef de cabinet de M. Applebaum, Hugo Tremblay, est particulièrement révélateur. Ce dernier aurait joué un rôle de premier plan dans un «stratagème de corruption» permettant à des promoteurs de voir leurs projets se concrétiser en échange de sommes d'argent.

Lors de ses rencontres avec l'UPAC, Hugo Tremblay a reconnu avoir servi d'intermédiaire entre le maire Applebaum et des gens d'affaires. Il a raconté avoir été envoyé en éclaireur auprès de promoteurs pour vérifier leur ouverture d'esprit.

«Il s'implique dans des échanges d'enveloppes d'argent. [...] Il admet avoir collecté de l'argent aux entrepreneurs en échange d'une garantie qu'ils allaient défendre leur projet», peut-on lire dans le document.

Selon M. Tremblay, les sommes empochées étaient partagées en trois parties égales dont l'une lui était destinée, une autre à M. Applebaum et une dernière - mais ce n'est qu'une supposition de sa part, indique-t-on -, au conseiller municipal Marcel Tremblay, frère du maire Gérald Tremblay.

Ni Hugo Tremblay ni Marcel Tremblay n'ont été accusés à la suite de cette enquête.

Multiplication de pots-de-vin

Outre les deux dossiers pour lesquels M. Applebaum a été accusé (immeuble de condos et le centre sportif de Notre-Dame-de-Grâce), six autres projets immobiliers et un contrat à une firme de génie-conseil avaient été ciblés par la police.

Ainsi, Hugo Tremblay a raconté à l'UPAC avoir obtenu entre 5000 $ et 10 000 $ en lien avec le projet du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). «Il a reçu cet argent sans avoir eu de commandes particulières, mais plutôt pour son travail de tous les jours, pour régler les problèmes», relate-t-on.

Le maire Applebaum lui avait recommandé de ne pas déposer cet argent dans son compte; «il l'a dépensé de façon disparate, dans des voyages et dans l'achat de linge», note la police.

L'ancien chef de cabinet raconte avoir rencontré le promoteur Anthony Keeler pour le projet Troie. Les deux hommes se sont entendus sur une somme à verser en négociant sur une feuille. M. Keeler fera finalement trois versements d'environ 20 000 $, correspondant aux trois étapes d'approbation du changement de zonage par le conseil d'arrondissement.

M. Keeler a également rencontré des enquêteurs de l'UPAC. Il a expliqué que pour le projet Troie, le maire Applebaum lui avait présenté Hugo Tremblay en lui disant: «Quand tu parles à Hugo, tu parles à moi.»

M. Keeler a expliqué que lui et son partenaire d'affaires, Robert Stein, avaient dû payer des pots-de-vin à deux reprises. Il dit avoir donné 20 000 $ au fonctionnaire Jean-Yves Bisson, qui était alors directeur du Service des permis à l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce. Puis, il a donné 30 000 $ à Hugo Tremblay «pour travailler pour passer le projet».

La façon pour M. Keeler de remettre l'argent comptant était de le déposer dans «une boîte de cassette vidéo et dans un sac de magasin». «Il y avait un code entre eux, précise-t-on dans le document judiciaire. Hugo lui demandait est-ce qu'on lunch (sic) ensemble? S'il répondait oui c'est qu'il avait l'argent, sinon ils remettaient ça à un autre jour.»

Le promoteur Robert Stein a également rencontré des policiers. Son témoignage concorde avec celui de son partenaire, Anthony Keeler. «Pour le premier paiement, il a empaqueté 10 ou 15 000 $ dans une boîte de DVD de la série 24 puis, dans un sac de plastique qu'il a donné à Keeler. Ce dernier est allé dîner avec M. Tremblay. [...] Les autres paiements se seraient faits de la même manière».

Procès à venir

À quelques jours d'intervalle, le printemps dernier, les coaccusés de M. Applebaum, le fonctionnaire Jean-Yves Bisson et l'ancien conseiller municipal Saulie Zajdel, ont plaidé coupable. Ils ont reconnu avoir empoché des pots-de-vin de 10 000 $ chacun.

Quant au procès de Michael Applebaum, il doit avoir lieu en septembre 2017, soit plus de quatre ans après qu'il a été accusé de fraude.

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