La multiplication des chantiers à l'aube du 375e anniversaire de Montréal pose problème. La métropole a décidé de résilier le contrat d'une firme de génie se disant surchargée par les projets, estimant que sa lenteur risquait de retarder la livraison de l'un des rares legs qui devaient être prêts à temps pour 2017.

La Ville de Montréal signait en août 2014 une entente-cadre avec Consultants S.M. pour de l'aide dans la réalisation d'une partie de la conversion du Complexe environnemental Saint-Michel en parc. Ce contrat de 631 000 $ prévoyait que l'entreprise fournisse sur demande des ingénieurs afin que ce projet soit prêt à temps pour le 375e.

Mais un an et demi après la signature de cette entente, Montréal déplore plusieurs problèmes « de délai de réponse, de délai d'exécution, de diligence et de collaboration ». Moins de 9 % des services attendus ont été fournis. Et malgré des avertissements répétés, l'entreprise n'a pas corrigé la situation, déplore la Ville.

Par courriel, Consultants S.M. explique que trop de projets sont en cours simultanément. « Dans le contexte du 375e de la Ville de Montréal, plusieurs projets ont été lancés à la même période et avec des délais d'exécution très courts, engendrant un volume de travail inhabituel et difficilement prévisible », écrit l'entreprise. La firme assure avoir « déployé tous les efforts nécessaires pour faire face au défi ».

Ces explications ne convainquent pas la Ville de Montréal. 

« Il est de la responsabilité de l'entrepreneur qui soumissionne sur un appel d'offres de s'assurer d'avoir les ressources et les disponibilités nécessaires lui permettant de s'acquitter de ses obligations contractuelles », estime Andrée-Anne Toussaint, attachée de presse au cabinet du maire.

Insatisfaite, Montréal versera 56 000 $ à la firme - soit 9 % du montant prévu - et annulera l'entente-cadre lors du prochain conseil municipal. La Ville lancera ensuite un nouvel appel d'offres pour s'adjoindre les services d'une autre firme de génie.

Rappelons que la livraison d'une portion du parc au Complexe environnemental Saint-Michel est l'un des principaux legs devant être inaugurés dans le cadre des festivités de 2017. Plusieurs projets prévus pour le 375e anniversaire ne seront toutefois prêts qu'en 2018, comme l'aménagement d'un amphithéâtre naturel au parc Jean-Drapeau et le recouvrement de l'autoroute Ville-Marie. D'autres devront même attendre davantage encore, comme la réfection de la rue Sainte-Catherine Ouest.

Trop de projets en même temps

L'opposition à l'hôtel de ville voit dans les difficultés auxquelles se heurte ce projet un signe de surchauffe du marché en génie. « Le fait d'avoir à la Ville un plan pour couper le nombre d'employés, mais en même temps augmenter les investissements, et le fait que plusieurs projets ont pour échéance 2017 en raison du 375e, ça donne une surchauffe et le consultant ne fournit pas », analyse Émilie Thuillier, conseillère de Projet Montréal.

Le fait que Consultants S.M. avait offert de faire le travail pour 30 % de moins que l'estimation de la Ville pourrait aussi expliquer son peu d'empressement dans ce dossier. « Si ce contrat est peu rémunérateur, il a peut-être avantage à le laisser tomber et à se concentrer sur ceux qui sont plus payants », avance Émilie Thuillier. L'élue croit que l'entrée en vigueur du programme d'évaluation des fournisseurs pourra freiner ce type de comportement, puisque les entreprises risqueront de voir leur dossier entaché et pourraient ainsi se retrouver sur la liste noire des sociétés interdites de contrats.

Le syndicat représentant les ingénieurs de la Ville croit lui aussi qu'il y a surchauffe, trop de projets se déroulant simultanément. Or les ententes-cadres sont particulièrement à risque lors de telles situations, dit André Émond, président du Syndicat professionnel des scientifiques à pratique exclusive de Montréal. 

« On n'a jamais été favorables aux ententes-cadres. C'est donné dans un contexte où, si le mandat est mal défini, ça permet une certaine dérive », dit André Émond, président du Syndicat professionnel des scientifiques à pratique exclusive de Montréal.

Montréal aurait plutôt intérêt à miser sur ses propres ressources, selon le syndicat. « On s'explique mal pourquoi on ne crée pas des bureaux de projet internes. Le privé coûte peut-être moins cher dans certains domaines, mais dans le cas de l'ingénierie, ça coûte plus cher. Il n'y a pas d'économies à faire », dit André Émond.

Le pouvoir d'attraction de la Ville pour recruter est toutefois bien faible, reconnaît-il, son syndicat étant sans convention depuis 2010. « On est dans notre sixième année sans convention, sans augmentation de salaire. On négocie, mais on ne voit toujours pas la lumière au bout du tunnel. »

Une entente annulée, une autre signée

L'annulation de ce contrat de Consultants S.M. survient au moment même où la Ville de Montréal s'apprête à signer une autre entente-cadre avec une autre firme de génie, cette fois pour l'épauler dans l'entretien de ses chaussées. La métropole entend attribuer un contrat de 7,7 millions sur quatre ans à Beaudoin Hurens pour gérer et surveiller les travaux d'un nouveau programme de 50 millions par an. Le Programme complémentaire de planage et revêtement des rues de la métropole cherche à prolonger de 7 à 12 ans la durée de vie de certaines rues. Ces travaux se limitent toutefois à la réfection de la surface des chaussées, sans toucher aux trottoirs ou modifier l'aménagement des rues. Ce contrat de 7,7 millions, dont l'adoption est prévue à la fin du mois, est inférieur de 9 % aux estimations de la Ville de Montréal, un écart que la métropole explique par le fait que la firme de génie a soumis un taux horaire inférieur à ceux en vigueur. La Ville précise que le contrôle de la qualité des travaux sera effectué par une autre firme de génie dont les services seront retenus en vertu d'une autre entente-cadre.

Image fournie par la Ville de MOntréal

Illustration de la conversion du Complexe environnemental Saint-Michel en parc, qui devait être prête pour 2017.

IMAGE FOURNIE PAR LA VILLE DE MONTRÉAL

Illustration de la conversion du Complexe environnemental Saint-Michel en parc, prévue pour 2017