Des armes rouillées au point de nuire à leur fonctionnement. Un pistolet qui se déclenche par accident en plein poste de quartier. Près du quart des policiers « séchant » leur formation de tir annuelle.

La CSST a enquêté au cours de la dernière année sur le manque d'entretien des pistolets au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et le rôle que ce problème pourrait avoir joué dans le déclenchement accidentel d'une arme de service dans les toilettes d'un poste de quartier.

Le 26 avril 2015, une policière a retiré son ceinturon pour se rendre aux toilettes et l'a déposé sur un comptoir. Son pistolet est toutefois tombé au sol et s'est déclenché. Personne n'a été blessé, la balle ayant fini sa course au plafond.

Rapidement avertie, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a pris cette décharge accidentelle très au sérieux, révèlent des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Un rapport indique que la Commission a demandé à être informée des résultats de l'enquête interne du SPVM. Elle a aussi « demandé à ce que l'expertise évalue, autant que possible, si des problèmes d'entretien sont en cause ».

Entretien irrégulier



Cet incident est en effet survenu alors que la CSST talonnait depuis des mois le SPVM sur l'entretien de ses armes. En juin 2014, la Fraternité des policiers s'était plainte des conséquences entraînées par la fermeture de quatre salles de tir, en raison d'une contamination au plomb et de problèmes de ventilation.

Les policiers ne pouvaient plus renouveler la certification attestant qu'ils maîtrisent leur pistolet, ce qu'ils sont tenus de faire une fois par année. C'est lors de cette requalification que les armes de service sont inspectées. On les démonte alors complètement afin d'en constater l'état.

À l'époque, la requalification se faisait toutefois sur une base volontaire.

Un document obtenu par La Presse démontre que près du quart des agents ne s'étaient pas soumis à l'exercice en 2012, année pourtant considérée comme la meilleure à ce titre. Bref, l'arme de certains policiers n'était pas inspectée régulièrement.

La CSST avait imposé au SPVM de soumettre l'ensemble de ses agents à une requalification et d'ainsi inspecter toutes leurs armes. Une dérogation accordée en 2014 stipulait que « l'employeur ne s'assure pas que les armes à feu fournies aux policiers soient maintenues en bon état ».

Armes rouillées

Ce manque d'entretien était d'autant plus inquiétant qu'une bonne partie des armes de service est exposée aux intempéries. Lors d'inspections faites à la suite de l'intervention de la CSST, on a découvert sur deux pistolets « des signes de rouille qui nuisaient à leur bon fonctionnement ». Ce passage du rapport obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information avait été caviardé, mais La Presse a pu se procurer une version non censurée.

La CSST a justifié ce caviardage en indiquant que ces informations pourraient avoir « pour effet de réduire l'efficacité d'un programme, d'un plan d'action ou d'un dispositif de sécurité ».

Le SPVM a depuis imposé à tous ses agents une requalification et inspecté l'ensemble de leurs armes, a indiqué la CSST à La Presse. Le corps policier s'est notamment engagé à inspecter plus d'une fois par année les armes à feu exposées aux intempéries.

Le processus de requalification des policiers a toutefois accusé plusieurs retards en raison « de différents événements, tels que les manifestations étudiantes et les séries éliminatoires de hockey », qui ont forcé certains agents à annuler leur participation.

Le SPVM a aussi changé son arme de service depuis. Depuis octobre, le corps policier a entrepris de remplacer ses pistolets Walther P99 Quick Action, utilisés depuis 2002, par un nouveau modèle, le Glock 19.

Pierre Descôtes, expert ontarien en entretien des armes à feu et consultant auprès de plusieurs services de police, a participé au processus de la CSST. S'il refuse de commenter la situation à Montréal, il souligne l'importance pour tout corps policier d'entretenir adéquatement ses armes. « Il n'y a pas de règles établies au niveau provincial ou fédéral pour l'entretien des armes de service », a-t-il déploré.

« Certains services de police sont très précautionneux sur leurs armes, d'autres ne le sont absolument pas, a ajouté M. Descôtes, précisant qu'il ne parlait pas du SPVM. J'ai des services de police pour lesquels j'ai fait l'entretien des armes [...] et qui étaient rendus à 4, 5, 6, 7, 8 ou 9 ans sans entretien sur les armes. » Selon lui, la plupart des manufacturiers suggèrent un entretien annuel. L'entretien devrait être plus fréquent si le policier travaille dans des conditions difficiles.

- Avec William Leclerc

Pratiques révisées au SPVM

Le SPVM a révisé ses pratiques pour assurer la maîtrise des pistolets par ses agents depuis l'enquête de la CSST. Désormais, la requalification des agents ne se fait plus sur une base volontaire, les policiers étant désormais tenus de s'y soumettre. Les agents ont droit à trois essais pour réussir. En cas d'échec, le policier est affecté à des tâches administratives ; le SPVM dit alors qu'il est « désarmé administrativement ». Il doit ensuite subir une journée de formation au terme de laquelle il tente une nouvelle fois d'obtenir la certification. Un nouvel échec entraîne une nouvelle journée de formation, et ainsi de suite.