Déverser ou ne pas déverser ? Le comité d'experts mandaté par l'ancienne ministre de l'Environnement pour étudier les impacts scientifiques du déversement de 8 milliards de litres d'eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent n'a pas pris position.

Dans leur rapport rendu public en fin de journée, les trois experts ont cependant conclu qu'un déversement non planifié en raison d'un bris à l'usine d'épuration de Montréal augmenterait les risques environnementaux. Ils suggèrent ainsi à la Ville de Montréal de « tout mettre en oeuvre » pour prendre trois mesures d'atténuation, dont l'utilisation d'un bateau-citerne avec un siphon inversé à l'un des principaux points de déversement.

La Ville de Montréal a déjà étudié cette solution, mais l'avait rejetée, indiquant qu'il faudrait 200 bateaux-citernes d'une longueur de 220 mètres de long par 23 mètres de large pour recevoir toute l'eau purgée. Un bateau pourrait se remplir en 3,5 heures et les navires devraient être changés trop souvent avait calculé la Ville.

«Cette affirmation est un peu simpliste. Il faudrait simplement créer un système pour faire sortir les eaux usées. Il suffirait d'adapter le principe d'un siphon inversé pour contrôler la hauteur de l'eau dans la citerne du bateau », écrivent les trois chercheurs dans leur rapport. « Sans forcément traiter tous les points de déversement, il aurait été bon de retenir cette solution pour les débits plus importants », ajoutent-ils.

Le rapport propose aussi d'utiliser une unité mobile de traitement en ciblant les points de rejets des égouts où l'eau est potentiellement toxique comme ceux qui proviennent des hôpitaux ou d'industries.

La dernière solution est d'assurer un meilleur suivi du panache déversé dépassant les rives de l'île de Montréal, associé à un plan d'urgence des matières déversées en particulier près des îles de Sorel.

« Compte tenu de l'urgence de la situation, certaines mesures seront identifiées comme prioritaires, tandis que d'autres feront l'objet d'analyses détaillées pour une éventuelle mise en application ultérieure », a indiqué vendredi soir Philippe Sabourin, relationniste pour la Ville de Montréal.

Pas de décision de la nouvelle ministre

Selon Environnement Canada, même si la nouvelle ministre Catherine McKenna a été mise au fait de cette étude, elle n'a pas encore pris de décision quant à l'arrêté ministériel de sa prédecesseure, qui empêche un déversement jusqu'au 9 novembre à minuit. Le ministère fédéral n'a quant à lui pas encore de recommandations à faire à la ministre pour l'aider avec sa décision.

La crise du « flushgate » a éclaté lorsque l'administration Coderre a indiqué qu'elle était contrainte de procéder à la purge complète d'un intercepteur de 30 kilomètres afin de procéder à des travaux. La Ville veut retirer quatre systèmes de soutènement vétustes qui menacent de se détacher dans l'intercepteur et d'endommager les convoyeurs et les pompes de la station d'épuration ou d'engendrer la formation d'embâcles dans l'intercepteur.

« On est dans la situation que le système est vieux et qu'il y a des risques de bris, mais les experts n'ont pas été jusqu'à dire qu'il faut faire les travaux », a cependant indiqué Caroline Blais, directrice de la section liée aux eaux usées et à la Loi sur les pêches chez Environnement Canada.

Quant à l'impact sur la faune et la flore, « aucune information n'est présentement disponible sur les conséquences de ces déversements sur la faune aquatique. Ceci n'indique pas qu'il n'y a pas d'effets, mais plutôt que le phénomène n'a pas été étudié », peut-on par ailleurs lire dans une présentation.

Les trois experts qui signent cette étude sont Daniel Cyr, professeur à l'INRS, Robert Hausler, professeur en génie de construction à l'ETS et Viviane Yargeau, professeure en génie chimique à McGill.