Une enquête criminelle a bel et bien été ouverte afin de découvrir le ou les responsables du déraillement de train de marchandises survenu jeudi à Montréal. Les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports (BST) et de la police du Canadien Pacifique confirment en effet qu'il ne s'agit pas d'un simple accident, mais que le convoi est parti à la dérive après que les freins qui retenaient en place les wagons ont été manipulés.

L'enquête initiale a déterminé que le convoi qui a déraillé jeudi matin était immobilisé depuis décembre 2014 près de la gare de triage d'Hochelaga. Si cette rame qui comptait 26 wagons n'a pas bougé pendant 10 mois alors qu'elle se trouvait sur une légère pente, c'est que suffisamment de freins avaient été actionnés, a expliqué l'enquêteur du BST, Guy Laporte.

Or, ces freins ne se desserrent pas d'eux-mêmes. Il ne s'agit pas de freins du même type que ceux qui étaient en cause dans la tragédie de Lac-Mégantic, quand la mise à l'arrêt de la locomotive a entraîné une chute d'air dans le système de freinage, permettant ainsi au train de se déplacer. Tout indique ainsi qu'une personne les a enlevés manuellement, ce qui a fait partir le train à la dérive. «Les résultats de l'enquête préliminaire du SPCP indiquent que les wagons auraient pu être manipulés, ce qui aurait entraîné leur mouvement», a confirmé par communiqué le Canadien Pacifique.

«Pour enlever un frein à levier, il faut tirer dessus. Ce n'est pas un oiseau qui accroche ça, ce n'est pas vrai», souligne Guy Laporte, enquêteur du BST au dossier.

Or, personne du Canadien Pacifique ne travaillait dans ce secteur, selon l'enquête. Le service de police du Canadien Pacifique ainsi que le Service de police de Montréal (SPVM) ont donc ouvert une enquête criminelle conjointe pour tenter de déterminer qui aurait désactivé les freins. «On part de l'hypothèse que c'est peut-être criminel, mais on ne peut pas dire pour le moment s'il va y avoir des accusations de déposées», a indiqué le sergent Laurent Gingras, du SPVM.

L'enquête s'annonce difficile, puisque ce secteur des voies du CP est connu pour ses nombreuses intrusions. Des habitants du secteur traversent en effet les rails à pied plutôt que d'emprunter les passages appropriés.

Présence de dérailleurs

L'accident aurait pu avoir des conséquences plus graves si le CP n'avait pas mis en place des mesures supplémentaires pour éviter que sa rame immobilisée ne parte à la dérive. Le transporteur avait en effet installé sur la voie au moins deux dérailleurs, soit des systèmes dont le rôle est justement de faire sortir des rails les wagons partant à la dérive. Normalement, ces dispositifs font en sorte que les trains dévient seulement de quelques pieds et finissent par freiner sous leur poids.

Si un wagon s'est encastré dans une maison, c'est parce que le premier dérailleur percuté par le convoi n'a fonctionné qu'en partie, selon le BST. Ce dérailleur a réussi à faire sortir de la voie seulement le premier wagon avant d'être arraché. Ce seul wagon roulant sur la terre n'a pas réussi à freiner le convoi, si bien que celui-ci a poursuivi son chemin jusqu'à ce qu'il frappe un deuxième dérailleur, quelques dizaines de mètres plus loin.

En heurtant ce nouvel obstacle, le premier wagon qui avait déjà déraillé s'est retrouvé à la perpendiculaire et a été propulsé contre une maison qu'il a légèrement endommagée. Ce deuxième dérailleur a toutefois réussi à faire sortir de la voie quatre autres wagons qui ont fini par immobiliser le convoi.

L'enquêteur du BST indique que l'entretien des rails n'est pas en cause puisque la voie ferrée est en bon état à cet endroit. Le Canadien Pacifique ajoute que «les wagons, qui se trouvaient à cet endroit depuis décembre 2014, étaient garés correctement, conformément aux règlements de Transports Canada».

le déraillement en bref

> Le Canadien Pacifique a immobilisé en décembre 2014 une rame de 26 wagons vides près de la gare de triage d'Hochelaga.

> Le 29 octobre, une personne aurait désactivé manuellement les freins qui retenaient en place le convoi qui se trouvait dans une légère pente.

> Parti à la dérive, le convoi percute après quelques dizaines de mètres un dérailleur. L'obstacle est rapidement arraché, si bien qu'un seul wagon sort des rails, ce qui n'est pas suffisant pour freiner le train.

> La rame continue sa course et percute un deuxième dérailleur quelques dizaines de mètres plus loin. Le premier wagon se déplace perpendiculairement aux rails, décroche et finit par être propulsé contre une maison.

> Quatre autres wagons déraillent en percutant le deuxième dérailleur. Leur poids finit par freiner la course du train, qui s'immobilise.