Alors que le gouvernement de Justin Trudeau s'est engagé à réviser en profondeur le mode de scrutin au pays, la Ville de Montréal s'apprête à enterrer ce débat au moins jusqu'aux élections de 2021. Une occasion ratée de permettre aux citoyens de se prononcer sur le nombre d'élus dans la métropole ou de simplifier le vote, déplore le conseiller Marvin Rotrand.

Lors de la réunion du conseil municipal d'aujourd'hui, les élus montréalais seront appelés à voter pour maintenir tel quel le cadre électoral de la métropole lors des élections de 2017. Les villes doivent en effet aviser le gouvernement de tout changement qu'elles souhaitent apporter à leur cadre électoral au moins un an et demi avant chaque élection.

En appelant les élus à se prononcer dès ce lundi, soit deux ans avant la prochaine élection municipale, l'administration Coderre tente d'enterrer ce débat sans tenir une consultation publique, estime Marvin Rotrand. Du coup, tout changement au cadre électoral ne pourra entrer en vigueur avant l'élection de 2021.

Alors que Justin Trudeau s'est engagé à ce que l'élection fédérale de 2015 soit le dernier scrutin uninominal à un tour, Marvin Rotrand croit que Montréal devrait à tout le moins permettre à ses citoyens de se prononcer sur le cadre électoral de leur ville. Montréal devrait-il réduire le nombre de ses élus municipaux ? La métropole devrait-elle abandonner le système britannique pour adopter un mode de scrutin préférentiel ? Devrait-on simplifier le vote dans l'île ?

Le conseiller municipal se dit d'accord avec le fait que Montréal compte 103 élus, même si cela fait de Montréal la ville en Amérique du Nord comptant le plus de membres à son conseil municipal. En comparaison, Toronto, la métropole canadienne n'en compte que 45 alors que sa population est deux fois plus importante. Marvin Rotrand croit toutefois qu'il serait légitime de permettre à la population de se prononcer sur le sujet.

Marvin Rotrand aimerait au passage que Montréal étudie la possibilité d'adopter un système préférentiel (voir encadré). « Montréal rate une belle occasion alors que le fédéral va changer le mode de scrutin, que l'Ontario va permettre à partir de 2018 aux villes de procéder par un système préférentiel et que d'importantes villes américaines ont déjà adopté ce système avec succès », dit-il.

Selon lui, passer au système préférentiel permettrait d'offrir une meilleure représentation des minorités. C'est du moins ce qui s'est produit à San Francisco, une des premières villes aux États-Unis à avoir adopté ce système.

Le nouveau mode a été un succès, le taux de participation ayant pratiquement triplé depuis, principalement chez les minorités, soulignent plusieurs études. À l'heure actuelle, sur les 103 élus montréalais, seulement deux proviennent des minorités visibles.

« Le système actuel peut causer d'importantes distorsions qui peuvent donner l'impression aux électeurs que leur vote ne compte pas », déplore l'élu. Il donne l'exemple de l'élection de 1998 lorsque le parti de Pierre Bourque n'avait reçu que 38 % des votes, mais avait décroché 76 % des sièges au conseil municipal.

Coderre attend sa loi

L'administration Coderre estime que l'heure n'est pas venue de tenir ce débat, le maire attendant impatiemment l'adoption du projet de loi sur le statut de métropole avant de procéder.

« La réforme du cadre électoral ne peut s'opérer immédiatement : la situation actuelle n'est pas propice à une telle démarche. En effet, un projet de loi sur la métropole sera bientôt déposé à l'Assemblée nationale et celui-ci devrait permettre à la Ville d'entamer une meilleure réflexion sur sa gouvernance. La Ville de Montréal aura alors toutes les informations en main avant d'entamer une quelconque réflexion sur son cadre électoral. »

Rappelons également que, lors de la dernière élection, Denis Coderre s'était engagé à ne pas toucher au nombre d'élus ni à la structure des arrondissements.

Le système préférentiel en bref

Les électeurs choisissent leurs candidats en inscrivant un chiffre à côté de leur nom dans leur ordre de préférence. Si aucun candidat n'a la majorité des votes lors du comptage, le candidat ayant eu le moins d'appuis est automatiquement éliminé. Les bulletins du candidat éliminé sont alors redistribués aux autres et un nouveau comptage a lieu. Un gagnant est déclaré seulement lorsque l'un d'eux a plus de 50 % des votes.