L'administration Coderre a jusqu'à ce midi pour convaincre la ministre fédérale de l'Environnement, Leona Aglukkaq, de ne pas décréter la suspension du déversement de 8 milliards de litres d'eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent. Si elle échoue et qu'elle décidait de ne pas respecter l'arrêté ministériel, la Ville s'exposerait à une amende de 1,4 million.

« En vertu de la Loi sur les pêches, la ministre doit donner l'occasion à la Ville de Montréal de faire des représentations avant qu'elle ne procède à l'émission de son arrêté. L'échéance donnée est vendredi midi », a précisé hier le directeur des communications de la ministre Aglukkaq, Ted Laking, dans un courriel.

Mercredi, la ministre Aglukkaq a décrété un « arrêt provisoire » du rejet tout en retirant l'examen scientifique du dossier des mains des fonctionnaires d'Environnement Canada pour le confier à un « expert indépendant ». Le maire Denis Coderre a qualifié cette décision d'« irresponsable et injuste ».

La Ville de Montréal rendra sa réplique publique ce matin.

Bombardé de questions à savoir s'il irait de l'avant avec le déversement malgré l'interdiction de la ministre, le maire Coderre a répondu mercredi soir qu'il respecterait la loi.

Selon Environnement Canada, quiconque réalise des travaux sans respecter les termes d'un arrêté commet une infraction et s'expose à une amende pouvant aller jusqu'à 200 000 $ par jour.

Initialement, la Ville comptait purger l'intercepteur visé par les travaux durant sept jours sans interruption, du 18 au 25 octobre.

Le contrat pour procéder aux travaux (enlèvement du cintrage dans l'intercepteur et construction d'une nouvelle chute à neige) a été remporté par Les Entreprises Michaudville pour 2 273 000 $.

Qui sera l'expert?

Le gouvernement conservateur sortant n'a fourni aucune précision sur l'identité de « l'expert indépendant » qui se penchera sur le déversement projeté de 8 milliards de litres d'eaux usées à Montréal, hier, ni sur la nature du mandat . Lors d'un passage à Trois-Rivières en compagnie de Stephen Harper, Denis Lebel a simplement indiqué que la ministre de l'Environnement « donne des directives » dans ce dossier.

« On est pleinement conscients que c'est important pour la Ville de Montréal que ça se passe rapidement avec, bien sûr, pour nous, les réponses à nos questions scientifiques. »

Lorsqu'on lui a fait remarquer que l'administration Coderre et le gouvernement Couillard ont tous deux fait état d'un « risque réel » de bris à l'usine d'épuration des eaux usées de Montréal, M. Lebel s'est montré sûr que le dossier se réglera rapidement.

« Ça veut dire que la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec vont être très collaborateurs pour que ça aille très rapidement dans le dossier et qu'on ait tout ce dont on a besoin », a-t-il dit.

Environnement Canada répond à Coderre

Le maire Coderre s'est insurgé mercredi soir, lors de son dernier point de presse, du fait que c'est la première fois depuis 1977 qu'un arrêté ministériel est décrété. « Je veux savoir pourquoi Montréal vit cette injustice. Est-ce qu'ils vont faire la même chose pour Victoria, pour Toronto, pour l'ensemble des municipalités ? », a-t-il déclaré, soulignant que d'autres villes avaient procédé récemment à des déversements de plus grande envergure. « Je m'attends dorénavant à ce qu'il y ait des arrêtés ministériels partout. Est-ce que c'est parce que Montréal ne vote pas conservateur ? Je veux de la cohérence », avait ajouté le maire.

Environnement Canada a répliqué qu'elle avait, au cours des dernières années, pris des mesures contre des municipalités en citant ces quatre exemples : 

« En avril 2014, le Vancouver Sewerage and Drainage District a été reconnu coupable d'avoir contrevenu à la Loi sur les pêches après avoir rejeté 650 000 litres d'eaux usées non traitées dans l'Inlet Burrard en juillet 2011. Il a été condamné à payer 110 000 $.

En juillet 2014, l'Alberta Capital Region Wastewater Commission a été condamnée à payer 200 000 $ après avoir plaidé coupable d'avoir contrevenu à la Loi sur les pêches à la suite d'un rejet de 500 000 litres d'eaux usées non traitées dans la rivière Sturgeon en août 2012.

En novembre 2011, une directive a été émise à la Ville de Charlottetown pour mettre fin aux rejets répétés d'eaux d'égout de ses stations de relèvement. En raison de ces rejets, le secteur entourant la conduite de décharge a été fermé à la récolte de mollusques à maintes reprises en raison des concentrations élevées de colibacilles fécaux. Les travaux en vue de séparer la conduite d'eaux pluviales et la conduite d'eau d'égout devraient être achevés en 2015.

En décembre 2011, la Ville de Ponoka, en Alberta, a été condamnée à payer une amende de 70 000 $ pour un rejet planifié d'effluents provenant de son étang aérobie sur une période de 14 jours en mai et juin 2009. Environnement Canada n'a pas reçu de préavis concernant ce rejet. »