Le ministre délégué aux Transports et responsable de la Stratégie maritime, Jean D'Amour, estime qu'il est «prématuré» de songer à dézoner et exproprier des terres agricoles afin de créer le futur pôle logistique promis par Québec dans la région de Vaudreuil-Soulanges, à l'ouest de l'île de Montréal.

De passage à Montréal, la semaine dernière, le ministre a rappelé qu'il existe déjà de vastes terrains exploitables sur le territoire de la MRC de Vaudreuil-Soulanges et ajouté qu'on devrait «commencer par utiliser judicieusement les espaces qui sont déjà à notre disposition».

«Je n'ai pas d'ordres à donner aux maires, ni au préfet de la MRC, ni à qui que ce soit, a-t-il déclaré à La Presse, sauf que si ça contribue à apaiser les craintes, tant mieux, parce que je ne suis pas dans un mode où on exproprie et on brise le territoire agricole. Ce n'est pas ça, le but de la Stratégie maritime.»

La Presse a révélé il y a deux semaines que la municipalité régionale de comté (MRC) Vaudreuil-Soulanges avait recommandé au gouvernement du Québec de modifier par décret le zonage d'environ 500 hectares de terres agricoles situées pour l'essentiel sur le chemin Saint-Féréol, dans la municipalité de Les Cèdres.

Ces terres s'ajouteraient à un terrain existant de plus de 300 hectares qui appartient au Canadien Pacifique (CP), pour former un vaste parc industriel spécialisé en transport des marchandises et en logistique s'étendant sur un territoire d'environ huit kilomètres carrés. Plus de la moitié de cette surface est actuellement vouée à l'agriculture.

Plus de questions que de réponses

De 20 à 25 fermes du chemin Saint-Féréol, dans Les Cèdres, seraient amputées d'une partie ou de la totalité de leurs terres au profit du futur pôle logistique. Jeudi, leurs propriétaires ont été invités par le maire de la municipalité de Les Cèdres, Raymond Larouche, à assister à une soirée d'information qui devait apporter des réponses à leurs questions.

Au lendemain de cette rencontre, vendredi, tous les producteurs joints par La Presse ont estimé que l'absence d'échéancier ou de réponses claires des représentants de la MRC sur l'avenir de leurs terres a plutôt eu l'effet de faire grimper la tension d'un cran, dans la zone verte.

«Depuis [vendredi] matin, a dit le producteur laitier Michel Proulx, tout le monde s'appelle pour reparler de la réunion d'hier. Des voisins arrêtent chez nous, en passant, et on se retrouve rapidement tout un groupe à discuter. On n'en sait pas beaucoup plus qu'on en savait sur leurs projets, mais on en sait assez pour savoir qu'on n'en veut pas.»

Selon M. Proulx, si la proposition de la MRC était retenue et mise en oeuvre par Québec, «les conteneurs du pôle logistique s'empileraient à peu près jusqu'à l'endroit où est bâtie mon étable. Je perdrais environ 75% de ma terre. Il me resterait mes bâtiments, mes silos et ma maison».

La semaine dernière, la Fédération de l'Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie s'est aussi opposée aux intentions de Vaudreuil-Soulanges, en soulignant, dans un communiqué, que la MRC disposait déjà d'espaces vacants dans les 21 parcs industriels de son territoire, sans compter les terrains du CP, dont la superficie équivaut à peu près à 500 terrains de football, et qui sont prêts pour le développement.

Des demandes de Québec, dit la MRC

À la MRC Vaudreuil-Soulanges, un conseiller en communications, Simon Richard, a dit regretter l'inquiétude que suscite chez les agriculteurs le projet de pôle logistique. Il a indiqué que lors de sa rencontre avec les agriculteurs, jeudi soir, il aurait été difficile pour le maire Larouche d'apporter «des réponses très concrètes» à leurs questions, «parce qu'il y a encore beaucoup de choses qu'on ne connaît pas sur ce projet, notamment sa localisation».

Vendredi, la MRC a fait parvenir au bureau du premier ministre Philippe Couillard une demande de rencontre, en compagnie des ministres responsables, pour faire le point sur le projet de pôle logistique après la parution de la Stratégie maritime du gouvernement, qui en a confirmé la réalisation, le 29 juin dernier.

M. Richard a insisté sur le fait que l'implantation d'un pôle logistique dans la région de Vaudreuil-Soulanges «est un projet gouvernemental», et que l'emplacement proposé par la MRC ne fait que répondre «aux demandes et aux recommandations quant à la localisation possible du pôle logistique».

«Les superficies recommandées par le gouvernement pour le pôle logistique ne sont disponibles nulle part dans la zone blanche actuelle de la MRC, affirme-t-il. Maintenant, le ministre D'Amour dit qu'il ne souhaite pas d'expropriations et qu'il veut que le projet se fasse en zone blanche. C'est très possible. Mais on aimerait savoir ce qu'il en est. C'est pour cela que nous croyons qu'une rencontre avec le premier ministre et les ministres responsables est devenue nécessaire.»

De son côté, le ministre responsable de la Stratégie maritime, Jean D'Amour, a dit avoir conscience que les éventuelles expropriations en zone agricole sèment l'inquiétude chez les agriculteurs de Les Cèdres. Il a cherché à se faire rassurant.

«S'il y a des choses qui se font, je veux que cela se fasse sous l'angle de la négociation, des échanges de terres, mais il n'est pas question d'expropriation. Je ne suis pas là du tout et je ne joue pas dans ce film-là.»

«Qu'il y ait des craintes, je le comprends, ajoute M. D'Amour. Mais je suis persuadé que dans les prochaines semaines, on va être en mesure de les apaiser.»