Le trafic ne prend pas de vacances, cet été à Montréal. Les travaux majeurs effectués sur le pont Mercier, l'autoroute Bonaventure et l'échangeur Turcot créent un effet domino infernal sur le réseau routier. Travaux. Détours. Congestion. Des experts interrogés par La Presse y voient même «l'été le plus chaud» des dernières décennies.

Le 22 juin dernier, lors du début des travaux sur le pont Mercier, les automobilistes qui avaient emprunté la 138 ont attendu jusqu'à deux heures, juste pour atteindre la structure. C'était près de 10 fois plus que le temps enregistré par la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain incorporée, la semaine précédente. Certes, le temps d'attente a depuis quelque peu diminué, notamment parce que beaucoup d'automobilistes ont décidé d'emprunter les ponts avoisinants et parce que de nombreux travailleurs sont en vacances.

Sauf qu'en additionnant les autres grands chantiers en cours sur l'île (le ministère des Transports en dénombre cinq), la circulation automobile est particulièrement pénible, cet été, sur la Rive-Sud et au centre-ville de Montréal. Le 6 juillet dernier, il fallait encore prévoir environ 43 minutes pour atteindre le pont Mercier depuis la 138, et 27 minutes pour les automobilistes débouchant de la 132. Jusqu'au 17 août, les autorités s'affairent à remplacer le tablier du tronçon enjambant la Voie maritime du Saint-Laurent. Une seule voie est ouverte dans chaque direction.

«Selon moi, c'est l'été le plus chaud qu'on va connaître en 35 ans. Je n'ai jamais vu ça», déclare Pierre Lacasse du réseau Cogeco. Il est chroniqueur à la circulation depuis près de 30 ans.

À force d'être coincés longtemps dans le trafic, de nombreux automobilistes décident de partir plus tôt en journée afin d'éviter les longues heures de pointe. Dès 5h, la circulation sur le pont Champlain fonctionne au ralenti.

«Les gens partent plus tôt. Mais malheureusement, ils tombent dans un bouchon. Au retour, vers 14h-14h30, tu as déjà du retard pour quitter Montréal», dit Michel Millard, de 730AM Radio-Circulation

«Il y a un déséquilibre. Sur la Rive-Sud, de 15h à 18h, c'est paralysé. On voit une nette différence entre toutes les traversées de la Rive-Nord et celles de la Rive-Sud», observe Philippe Marois, chroniqueur à la circulation de la chaîne ICI Radio-Canada Première.

Cet été, la couronne nord de Montréal est épargnée par les travaux d'envergure. Il y a certes de la congestion sur les ponts vers Montréal le matin et vers la couronne nord le soir, mais rien d'inhabituel. «Sur la Rive-Nord, les gens sont surtout vulnérables. Il suffit d'un petit accrochage, d'un accident, et ça va changer toute la donne», témoigne Michel Millard.

Des arrondissements écopent

Dans l'île de Montréal, en plus des nombreux travaux effectués par la Ville, certains arrondissements doivent composer avec d'énormes projets, comme celui de l'échangeur Turcot.

Benoit Dorais, maire de l'arrondissement du Sud-Ouest, a prévu 750 000$ en mesures d'apaisement routier dans son budget, cette année, une somme record. L'argent servira à installer d'autres panneaux de vitesse, avancées de trottoir et dos d'âne pour ralentir la circulation, de plus en plus abondante dans le secteur. «On est encerclés de gros travaux. Le trafic augmente grandement. Les gens passent à travers le quartier», dit Benoit Dorais. En plus de ceux du MTQ à proximité, il y a actuellement 19 chantiers en cours dans l'arrondissement. «L'année prochaine, ce sera pire encore», prédit l'élu municipal.

Le ministère des Transports se dit «sensible» à l'achalandage important qu'entraînent les travaux majeurs. Pour s'assurer de «limiter les mesures», un comité technique de Mobilité Montréal, qui vise à mieux coordonner les travaux, se réunit ces jours-ci toutes les deux semaines. Le comité du «secteur centre» regroupe les activités faites au pont Champlain, au pont Mercier, à l'échangeur Saint-Pierre, l'autoroute Bonaventure, à la 720 et à la 15. «Les chantiers vont toujours avoir un impact sur la circulation. [...] On est conscients que c'est un secteur où il y a beaucoup de travaux, et c'est pour ça qu'il y a une coordination plus précise qui se fait», indique Martin Girard, porte-parole au ministère des Transports.

Quatre points chauds de l'été

Pont Honoré-Mercier



Une seule voie est libre dans chaque direction jusqu'au 17 août prochain. Les chroniqueurs à la circulation interrogés par La Presse sont unanimes à dire que ces fermetures sont celles qui font le plus mal au secteur routier montréalais. La semaine dernière, certains automobilistes en provenance de la Rive-Sud ont dû attendre un matin près de deux heures et demie pour simplement accéder à la bretelle d'accès. « Quand un pont tousse, les autres attrapent la grippe », indique Pierre Lacasse, chroniqueur routier pour Cogeco Nouvelles.

Pont Champlain

L'effet domino pousse de nombreux automobilistes vers le pont Champlain, lui-même très achalandé en temps normal. Même s'il n'y a actuellement pas de travaux sur le vieux pont, l'heure de pointe commence régulièrement dès 5 h, cet été. « En matinée, c'est terrible. À certains moments, il faut prévoir de 30 à 45 minutes pour monter sur le pont par la bretelle de la 132 », souligne Philippe Marois, chroniqueur circulation de la chaîne radio ICI Radio-Canada Première.

Échangeur Turcot

Les travaux de construction du nouvel échangeur sont commencés, ce qui entraîne la fermeture de certaines bretelles. La fin de semaine dernière, par exemple, le MTQ a fermé celle de l'autoroute 720/20 en direction ouest. L'heure de pointe du vendredi soir a été catastrophique. « Elle s'est éternisée jusqu'à 4 h 15 du matin. C'était congestionné jusqu'aux petites heures », affirme Michel Millard, chroniqueur à Radio-Circulation 730AM. Par ailleurs, le MTQ a annoncé que deux autres bretelles seraient fermées ce week-end sur l'échangeur.

Bonaventure

La Ville de Montréal prévoit lancer sept chantiers distincts sur Bonaventure cette année. Le gouvernement fédéral reconstruit un tablier dans le tronçon qui lui appartient. Divers intervenants interrogés par La Presse ont critiqué le manque de cohérence et de communication entre les différents chantiers. « Les impacts des chantiers de construction se chevauchent. La gestion de la circulation ne semble pas être intégrée de façon globale. On sort d'une déviation de la circulation sur un chantier et on aboutit sur une autre déviation », indique Ottavio Galella, président de la firme de génie-conseil Les Consultants Trafix.

Plus de stationnements, moins de textos

Existe-t-il une solution pour régler tous les problèmes de circulation dans la région de Montréal? Probablement pas. Tous les intervenants interrogés s'entendent pour dire qu'il faut «prendre son mal en patience». En contrepartie, des gestes anodins, comme regarder la route plutôt que de texter ou ne pas s'arrêter pour lire un panneau, pourraient entraîner une nette amélioration de la fluidité du réseau routier.

Moins de messages textes

La chose semble aller de soi: ce n'est pas une bonne idée de texter au volant. André Durocher, inspecteur à la Division à la sécurité routière au Service de police de la Ville de Montréal, rappelle toutefois que les agents de signalisation du SPVM rapportent de plus en plus d'incidents associés au téléphone. Et quand ils ne sont pas absorbés par leur cellulaire, beaucoup ralentissent la circulation en s'arrêtant pour regarder une intervention policière, un panneau publicitaire ou une crevaison sur une autre voiture. «Encore ce matin, une dame a fait rater le feu de circulation à tout le monde parce qu'elle textait et qu'elle n'avançait pas. Ça semble anodin, mais en multipliant ces incidents, ça allonge le temps d'attente», dit celui qui est policier depuis 33 ans.

Davantage de stationnements incitatifs

Selon Ottavio Galella, président de la firme de génie-conseil Les Consultants Trafix, il manque de stationnements incitatifs sur la Rive-Sud de l'île. L'ajout permettrait d'orienter des automobilistes vers le système de transport en commun. «Il n'est pas normal qu'on ait à subir les contrecoups sans que des mesures soient prises.» Il propose aussi d'installer des affiches le long des ponts et des autoroutes indiquant le temps d'attente en autobus et en voiture. «Les gens pourraient voir la différence», croit-il. Le MTQ n'avait pas de données précises sur la Rive-Sud, mais on nous a informés que depuis 2014-2015, 550 places de stationnement dans l'Ouest-de-l'Île avaient été installées.

Plus de transport en commun

Le maire de l'arrondissement du Sud-Ouest, qui subit les contrecoups des nombreux chantiers dans son secteur, pense qu'une partie de la solution réside dans l'utilisation accrue des transports en commun. «Les circuits d'autobus sont assez performants. L'été, on est capables d'utiliser les transports actifs comme le vélo», croit Benoit Dorais. Certains experts ont aussi plaidé pour une augmentation du nombre de voies réservées aux autobus, afin d'inciter les gens à délaisser la voiture au profit de cet autre moyen de transport.