La proposition de l'administration Coderre de souffler davantage de neige sur les terrains des Montréalais a suscité une forte opposition chez les maires d'arrondissement lors d'une rencontre cette semaine sur la nouvelle politique de déneigement.

Alors que les Montréalais profitent (enfin) des premières journées chaudes de 2015, les élus montréalais pensent déjà au prochain hiver. Mercredi, le maire Denis Coderre a rencontré 13 des 19 maires d'arrondissement pour leur présenter la politique de déneigement que son administration compte implanter d'ici le retour des flocons.

Du déclenchement des opérations neige à 15 cm d'accumulation au soufflage, en passant par l'obligation de déneiger certaines pistes cyclables, d'importants changements sont à prévoir. Mais déjà, plusieurs maires se braquent. «Je suis contre l'idée de souffler la neige sur les terrains privés», dit Manon Barbe, mairesse de LaSalle.

Plus économique de souffler

La version préliminaire de la politique obtenue par La Presse prévoit un recours accru au soufflage de la neige plutôt que le chargement par des camions, afin de réduire les coûts du déneigement. «Au-delà des considérations environnementales, le soufflage de la neige sur les terrains riverains est un choix économiquement responsable», peut-on lire. Après tout, le coût du déneigement de Montréal est nettement plus élevé que dans les autres villes du Québec qui ont davantage recours au soufflage.

Les arrondissements ont deux semaines pour évaluer les rues qui pourraient désormais faire l'objet de soufflage plutôt que de chargement. Pour faire l'objet de soufflage, les terrains devront offrir un «espace suffisant» entre le dos du trottoir et les infrastructures, comme les bâtiments, clôtures ou arbustes. Aucune mesure n'apparaît dans le document, mais une distance minimale de deux mètres a été évoquée lors de la rencontre avec les élus. Cette distance sera toutefois plus grande sur les artères comptant plusieurs voies de circulation, la quantité de neige à enlever y étant évidemment plus importante.

Limites au soufflage

La politique de déneigement établit toutefois une liste de critères qui limitent le recours au soufflage. La présence d'un arbre de «faible diamètre», d'un aménagement paysager, d'un stationnement ou d'une clôture opaque empêchera ainsi de souffler la neige sur un terrain. De plus, plus de 80% des terrains d'un tronçon de rue doivent pouvoir recevoir de la neige pour que le soufflage y soit pratiqué. Les arrondissements devront également éviter les accumulations aux intersections pour ne pas nuire à la visibilité. Montréal prévoit souffler la neige tant qu'il y a de l'espace sur les terrains. Une fois ceux-ci remplis à capacité, la Ville pourra alors décider de charger la neige plutôt que la souffler.

Par ailleurs, la politique de déneigement imposera aux arrondissements des délais pour enlever la neige de leurs rues, en fonction de la quantité d'accumulations au sol. Peu importe la quantité de neige tombée, le chargement de la neige dans les rues prioritaires, soit les principales artères, devra être terminé une journée et demie après le déclenchement d'une opération.

Dégâts appréhendés

Le recours accru au soufflage ne convainc pas Luis Miranda, maire d'Anjou, qui craint que la pratique endommage la propriété des citoyens. «On encourage le monde à faire de l'aménagement paysager, à embellir, et on va détruire ça?», s'indigne l'élu. Il juge aussi inadmissible qu'en vertu de la nouvelle politique, la neige doive être soufflée chez «des citoyens qui paient 10 000$ de taxes par année, mais qu'elle sera chargée chez d'autres qui ont de plus petits terrains et paient 4000$. Il y a une iniquité», dit M. Miranda. D'autres craignent également que le sel qui se trouve dans la neige soufflée ne détruise la pelouse des citoyens.

Tous les maires à qui La Presse a parlé ont dit accepter le principe de doter les arrondissements de normes minimales communes. Ils réclament toutefois de conserver le contrôle sur leurs opérations. «Les pentes d'Outremont sont très différentes de ce qu'on peut trouver à L'Île-Bizard par exemple. Oui, il faut qu'il y ait une cohérence, mais par quel moyen on peut s'assurer d'avoir la souplesse pour répondre à la demande, dit Alan DeSousa, maire de l'arrondissement de Saint-Laurent. Il n'y a pas un dossier plus local que la neige. Les gens jugent la performance de leurs élus notamment sur le service de déneigement.»

Du déjà-vu

L'idée de souffler la neige sur les terrains des Montréalais n'est pas nouvelle. La pratique a déjà été expérimentée par certains arrondissements, mais avait suscité tellement de plaintes que les administrations avaient décidé de l'abandonner. «Je l'ai déjà essayé sur le bord de l'eau il y sept ou huit ans et les gens étaient tellement malheureux. J'ai reçu des dizaines et des dizaines d'appels de citoyens pour me dire que ça ne se faisait pas, alors on a reculé, relate Claude Dauphin, maire de l'arrondissement de Lachine. On est là pour représenter nos citoyens, pas juste pour sauver de l'argent.»

Une politique pour tous

La politique de déneigement présentée cette semaine n'est pas finale, tient à préciser le maire Coderre, assurant que son administration tiendra compte des réticences des arrondissements. Il prévient toutefois qu'il tient mordicus à avoir une seule politique pour le déneigement de Montréal. «On va partir des commentaires pour regarder s'il y a des choses à améliorer. Mais la réalité, c'est qu'il faut changer les façons de faire. On n'aura pas 19 façons d'épandre le sel», a-t-il insisté.

Coût du déneigement par km de voie (2012)

Sherbrooke / 4978,49$

Gatineau / 6438,82$

Trois-Rivières / 7682,87$

Longueuil / 7793,25$

Saguenay / 7867,75$

Terrebonne / 8201,82$

Laval / 8541,47$

Lévis / 8875,79$

Québec / 10 817,23$

Montréal / 17 844,61$

Délais prévus pour terminer les opérations*

15 à 20 cm de neige/ 3 jours

21 à 25 cm de neige/ 4 jours

26 à 30 cm de neige/ 5 jours

Plus de 30 cm de neige/ 5 jours et plus

*Avec la nouvelle politique de déneigement