Aucun des scénarios envisagés par la Ville de Montréal pour le réaménagement de la rue Sainte-Catherine Ouest ne contribuera à améliorer la sécurité des piétons, estime la Direction de santé publique (DSP) de Montréal. Dans un mémoire déposé dans le cadre de la consultation sur ce projet, elle recommande carrément de bannir la voiture et d'ouvrir l'artère au transport collectif.

Trop de blessés

Dans son mémoire, la DSP dresse un constat: l'arrondissement de Ville-Marie est de loin le secteur affichant le plus d'accidents routiers avec blessés à Montréal. La DSP en a recensé plus de 4000 sur une période de cinq ans. En comparaison, le Plateau-Mont-Royal voisin en déplore moitié moins. La rue Sainte-Catherine Ouest n'échappe pas à cette réalité, affichant un taux élevé d'accidents. On y recense plus d'une dizaine de blessés à chaque intersection sur le tronçon de 2,2 kilomètres visé par le projet de réaménagement. «Ces données probantes démontrent la nécessité de réduire le volume de circulation motorisée au centre-ville de Montréal», écrit la DSP.

Pas convaincue

La DSP se montre plutôt critique des quatre scénarios soumis en consultation. Celle-ci souligne que les options envisagées se ressemblent et sont peu détaillées, ce qui «diminue la profondeur et la rigueur de la consultation publique». «Aucune des options soumises à la consultation ne permet des améliorations notables au plan de la qualité de l'air, de l'augmentation de l'activité physique et de la réduction des traumas routiers», peut-on lire. La DSP se dit «préoccupée par l'absence de proposition offrant une piétonnisation complète».

Rue active

Insatisfaite des scénarios proposés, la DSP propose d'interdire la circulation sur la portion commerciale de la rue Sainte-Catherine Ouest, entre les rues De Bleury et Atwater, soit sur 2,2 kilomètres. La mesure devrait être permanente plutôt que saisonnière. Pour favoriser les déplacements des usagers, du transport collectif devrait être implanté en surface au coeur de l'artère piétonnisée, dans les deux directions. La piétonnisation ferait disparaître 484 cases de stationnement, reconnaît la DSP, mais il en resterait tout de même 12 500 dans le secteur, soit plus de 96%. Pour simplifier la vie aux commerçants, des horaires permettraient la livraison de la marchandise.

Un succès ailleurs

Plusieurs villes dans le monde ont démontré qu'une rue commerciale piétonnisée peut être un succès, selon la DSP. Son mémoire cite l'exemple du Nicollet Mall, à Minneapolis, une agglomération de 3 millions de personnes. Une douzaine de sections de l'artère ont été fermées aux automobiles. L'artère est traversée par une ligne de bus à haute fréquence, un service gratuit. Piétonnisée en 1968, la rue fera l'objet d'une cure de jeunesse de 50 millions en 2015 pour en améliorer le verdissement et faire davantage de place au vélo. La DSP cite aussi l'exemple de Denver, au Colorado, qui dispose d'une rue commerciale piétonne desservie par un service de transport en commun, la 16th Street Mall.

Conditions gagnantes

Le taux d'échec des rues commerciales piétonnisées est élevé, souligne une étude américaine publiée en 2013. Publiée dans le cadre d'un projet de la Ville de Fresno, celle-ci souligne que 89% des rues échouent et sont rouvertes à la circulation automobile. Pour réussir, les artères doivent afficher un fort achalandage de touristes et y avoir des «générateurs de déplacement», comme des universités ou des tours d'habitation. Ces conditions pour faire de la piétonnisation un succès sont déjà en place, estime la DSP.

Bixi

Le mémoire de la DSP ne l'évoque pas, mais des données déposées par Bixi Montréal démontrent que les transports actifs sont très utilisés dans le secteur de Sainte-Catherine Ouest. Dans un bilan des 11 stations disposées près du quadrilatère, les responsables du système de vélo en libre-service rapportent 1,5 million de transactions depuis 2009, soit plus de 250 000 en moyenne par an. La station la plus populaire est celle du square Phillips, qui se trouve au coeur du projet de réaménagement.