L'industrie du trottoir est-elle toujours «sous influence» à Montréal? C'est l'une des hypothèses du contrôleur général de la Ville qui a constaté qu'en 2014, les entreprises ont soumissionné 16% au-delà des estimations de la Ville.

Me Alain Bond, qui a présenté le fruit de son analyse de 607 appels d'offres publics, ce matin au comité exécutif, en vient toutefois à la conclusion que depuis 2010, les Montréalais semblent payer le juste prix pour les travaux d'égouts, d'aqueduc et de pavage.

« La situation est plus compliquée en matière de trottoirs », a dit Me Bond.

Entre 2011 et 2013, les prix pour les travaux de réfection des trottoirs sont demeurés « acceptables », avec un « léger écart défavorable pour la Ville », a-t-il précisé. « Mais de janvier à mai 2014, la Ville de Montréal a lancé 7 appels d'offres et dans ces 7 appels d'offres, l'écart des prix a atteint 16% au-delà des estimations de la Ville. Ce qu'on constate donc, c'est qu'il y a une absence de concurrence dans l'industrie du trottoir présentement », a-t-il ajouté.

Cette augmentation s'est produite alors que la demande pour les travaux de trottoirs est demeurée stable.

Ce n'est pas la première fois que le bureau du contrôleur général mène un tel exercice. Il avait déjà analysé l'industrie du trottoir entre 2002 à 2011 pour en venir à la conclusion préoccupante que trois entreprises se divisaient un pourcentage identique du marché depuis une décennie.

Depuis, il y a eu la création de l'Unité permanente anti-corruption, les travaux de la commission Charbonneau, la création du poste d'inspecteur général, l'entrée en vigueur de la loi sur l'intégrité dans les contrats publics et plusieurs reportages dans les médias qui ont révélé l'existence du « cartel du trottoir » à Montréal.

La seconde hypothèse de M. Bond pour expliquer la hausse de 16% cette année : le marché n'a pas encore terminé « sa restructuration ».

Fait à noter, le contrôleur général n'a pas rendu public les entreprises qui ont soumissionné sur les contrats de la Ville en 2014. Entre 2008 et 2013, de nouveaux acteurs ont intégré le marché, montre toutefois le rapport du contrôleur.

Le plan de match

L'administration Coderre s'est félicitée de sa «transparence» en rendant ce rapport public ce matin.

« La guerre contre la corruption et la collusion est une guerre d'usure, il n'y a pas de potion magique », a déclaré Lionel Perez, le responsable des Infrastructures au comité exécutif. « Il faut connaître son marché, avoir une saine gouvernance dans le système d'appel d'offres et un système d'enquête avec des pouvoirs extraordinaires comme l'inspecteur général. Dans chaque industrie, il y a toujours de la corruption et de la fraude et il faut tous ces outils pour les contrer.»

Le bureau du contrôleur général va maintenant parfaire son analyse en étudiant les prix que d'autres villes du Québec paient pour leurs infrastructures et s'attardera aux sous-traitants, qui seraient de plus en plus nombreux sur les chantiers de Montréal. On étudiera aussi les coûts et la faisabilité d'avoir des « équipes de trottoirs » à l'interne. L'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension confie déjà les travaux de réfection et de reconstruction de ses trottoirs à ses cols bleus.

- Avec la collaboration de Pierre-André Normandin