La mort de l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier a suscité des réactions contrastées dans la communauté haïtienne de Montréal. Ceux qui portent encore les marques des années du régime de Bébé Doc sur leur corps ne le pleureront pas. Mais pour certains, cette époque représente aussi des années de stabilité, bien loin du chaos dans lequel le pays est plongé aujourd'hui.

«Regarde mon dos!»

Jean-Claude Fonrose relève sa chemise et se retourne, laissant apparaître une vieille plaie au milieu du dos, souvenir d'un séjour dans une prison haïtienne. «Duvalier, ce n'est pas quelqu'un qu'on doit pleurer. Mais il reste un être humain, alors on reste respectueux», précise-t-il.

«Je ne souhaite pas la mort de personne, mais Haïti n'a pas perdu grand-chose», poursuit Jules Seide. Les deux hommes attablés au restaurant Chez Milie Casse-Croûte, sur la rue Jarry, ont connu les années sombres sous le règne du président Jean-Claude Duvalier, dans les années 70.

Pour cette génération, la mort du dictateur représente la fin d'une «mauvaise ère». «Haïti est délivré aujourd'hui», dit Jean-Claude. Difficile toutefois de tourner la page quand «la perle des Antilles» est devenue la «poubelle des Antilles», souligne son voisin Jules.

À quelques kilomètres du casse-croûte, dans la boutique Soleil des îles de la rue Bélanger, quelques personnes sont assises autour d'une table de lido, un jeu de société traditionnel. «Je n'ai pas de réaction à la mort du Duvalier», dit un jeune joueur tout en jetant les dés sur la table.

«Mais les Duvalier étaient une grande famille !», s'écrie Jean-Paul Arland derrière le comptoir de sa boutique de CD et de DVD. «Et puis on avait de l'eau potable, de l'électricité», ajoute Kenny.

«Aujourd'hui, le pays régresse»

Ici, les opinions divergent quant au règne du dictateur. Il y a la jeune génération qui est née au Québec et qui s'intéresse peu au passé. «Ma fille me demande : "Un Duvalier, ça mange quoi en hiver ?"», illustre Kenny. Et il y a la génération de Kenny et Jean-Paul qui a connu la fin du règne de Duvalier et n'a pas vécu les tortures infligées par les tontons macoutes, la milice paramilitaire haïtienne. Pour cette génération, le pays de Jean-Claude Duvalier était plus stable, les écoles tenaient encore debout et le peuple mangeait... un peu plus.

Plus important que de juger Duvalier pour les violations des droits de la personne lorsqu'il était président d'Haïti, Jean-Paul croit que le pays doit regarder en avant pour se reconstruire. «Ce serait facile de tomber dans la vengeance. Mais le pays est en morceaux et il faut les recoller », dit-il.