Alors que le maire Denis Coderre s'apprête à appareiller pour la Californie afin de vendre Montréal au baseball majeur, les terrains réservés à ce sport continuent à disparaître de la métropole. Coup dur pour les amateurs de balle, ils viennent d'apprendre qu'ils risquent de perdre deux terrains au parc Jarry, là où les Expos ont fait leurs premiers pas.

«On détruit tout et il n'y a pas de vision. Si les Expos reviennent à Montréal comme le souhaitent plusieurs personnes, dont le maire Coderre, qu'est-ce qu'on va faire? On va détruire les terrains de soccer et refaire des terrains de baseball?» s'indigne Pierre Limoges, président de l'Association de baseball amateur Jarry.

L'homme est particulièrement inquiet pour son sport depuis qu'il a appris que la Ville de Montréal planifie sacrifier deux terrains de baseball au parc Jarry. La métropole prévoit remplacer ceux-ci par 150 arbres afin d'aménager une nouvelle entrée à cet espace vert, selon un plan consulté par La Presse.

Vrai, malgré la disparition planifiée de ces deux terrains, situés à l'angle du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jarry, le parc Jarry en comptera encore six. Pierre Limoges souligne toutefois que seulement trois sont fonctionnels pour accueillir les 180 jeunes de son association locale, les autres étant souvent inondés des jours entiers après des averses.

Coderre en mission

Ce projet survient alors que le maire s'envolera sous peu vers la Californie, notamment pour faire la promotion de Montréal comme une ville de baseball. Lors de son séjour, il doit rencontrer les dirigeants de l'équipe des Dodgers de Los Angeles «afin de mousser l'arrivée d'une équipe de baseball professionnelle à Montréal».

«Les Montréalais ont démontré leur attachement pour le baseball le printemps dernier alors qu'ils étaient plus de 100 000 à s'être rassemblés au Stade olympique pour assister aux matchs préparatoires entre les Blue Jays de Toronto et les Mets de New York. J'appuie sans réserve les démarches visant à ramener une équipe professionnelle à Montréal», a-t-il récemment déclaré.

Pierre Limoges en vient à se demander si le maire a été informé que, pendant qu'il fait la promotion du retour du baseball majeur, les terrains où les futurs jeunes peuvent s'exercer continuent à disparaître.

La Ville de Montréal reconnaît qu'un projet de réaménagement du parc Jarry a été présenté à l'association locale de baseball, mais indique que la décision finale n'a pas encore été prise. Le dossier, qui n'a pas encore été présenté aux élus, devra obtenir l'aval de l'administration Coderre avant d'aller de l'avant.

Plus de la moitié des terrains ont disparu

La perte de deux nouveaux terrains au parc Jarry a touché une corde sensible chez les amateurs de ce sport. «C'est un symbole pour nous autres, c'est là que les Expos sont nés et c'est là où l'élite d'aujourd'hui joue», explique Serge Trépanier, directeur général de l'Association des sports de balle de Montréal. La défunte équipe montréalaise y a évolué de 1969 à 1976 avant d'emménager au Stade olympique.

Les amateurs de la balle sont pourtant habitués à voir disparaître les espaces réservés à leur sport pour faire place au soccer, au football ou à des parcs à chiens. Plus de la moitié des 220 terrains de baseball que comptait Montréal dans les années 90 ont aujourd'hui disparu: il n'en resterait plus que 93.

La pression pour la conversion des terrains de baseball est forte, disent certains arrondissements. Saint-Laurent, où la pratique du soccer est en pleine explosion, dit recevoir fréquemment des demandes pour offrir au ballon rond l'un ou l'autre des neuf terrains de baseball restants sur son territoire. «Mais on n'en transformera pas parce qu'on a observé une récente augmentation de 10% du nombre de joueurs», dit Pierre Lanctôt, porte-parole de l'arrondissement.

Le sport vit en effet une renaissance depuis quelques années, insiste Baseball Québec. Après une chute vertigineuse de 1994 à 2008, le nombre de joueurs a recommencé à augmenter d'année en année depuis. Près de 25 000 joueurs se sont inscrits cet été.

«C'est sûr qu'on a l'impression qu'il y a moins de monde qui en pratique: on n'a plus d'espaces pour jouer», déplore Serge Trépanier, qui gère la distribution des terrains sur l'île. Confronté à une pénurie d'espaces où faire jouer les jeunes, il a dû se résoudre à réduire de 563 à 538 le nombre d'équipes cette année malgré une hausse d'inscriptions.