Avant de demander aux Montréalais leur avis sur le prolongement des heures de bars, le maire Denis Coderre insiste d'abord pour mener à bien le projet-pilote que la Régie des alcools vient de lui refuser. Il met donc sur la glace la consultation publique sur la vie nocturne de Montréal qui devait avoir lieu cet automne.

«Si je veux travailler de façon concrète et factuelle, on a besoin d'un projet-pilote. Je ne consulterai pas pour consulter», a indiqué le maire, lors d'un point de presse hier. Il juge important de documenter les impacts d'une prolongation des heures de bars jusqu'à 6 h du matin avant de solliciter l'opinion des Montréalais sur ce sujet.

L'abandon de la consultation publique a déçu Éduc'Alcool, qui avait appuyé la tenue d'un projet-pilote. Son directeur général, Hubert Sacy, estime qu'une consultation aurait permis de bonifier la proposition de la métropole à la Régie des alcools. L'organisme comptait en profiter pour tirer des leçons des expériences menées dans d'autres villes comparables, un exercice que Montréal avait omis de faire.

Mais le maire ne voit toujours pas l'intérêt d'analyser les résultats des études menées dans d'autres pays, chaque ville étant un cas unique selon lui. «On ne peut pas s'inspirer de ce qui se passe dans le monde, il faut savoir, c'est quoi l'expérience montréalaise.»

Le gouvernement du Québec a pris note de la décision de la Régie des alcools. «J'invite le maire à reficeler son dossier et à le présenter à nouveau», a suggéré Robert Poëti, ministre responsable de la métropole.

Qualifiant son projet-pilote d'«incontournable», Denis Coderre a assuré qu'il le présenterait à nouveau. D'ici les Fêtes, l'an prochain? Le maire s'est refusé pour le moment à se commettre sur une date, disant encore en être à «digérer la décision» rendue mercredi par la Régie des alcools.

Les régisseurs Daniel Lord et Saifo Elmir ont estimé que le projet-pilote qui devait s'étendre sur quatre fins de semaine était trop improvisé et ne tenait pas suffisamment compte des impacts sociaux. Ulcéré, le maire a été particulièrement cinglant hier envers eux.

«Que certains petits régisseurs viennent nous dire que ça ne marche pas, ben ça va arriver un jour, on va se reprendre. Qu'on ne vienne pas me dire que ce n'était pas planifié et c'était juste une question de business», s'est emporté Denis Coderre lors d'une entrevue avec l'animateur Paul Arcand, au 98,5FM.

Devant le manque de préparation des fonctionnaires soulevé par la Régie, Denis Coderre s'est dit prêt à plaider lui-même sa demande. «S'il faut que j'y aille moi-même, je vais y aller moi-même leur expliquer comment ça marche.»

Chose certaine, les services de l'avocat Richard Phaneuf, embauché par la Ville pour plaider ce dossier, ne seront pas de nouveau sollicités. «C'était une situation ponctuelle, en raison de la menace de grève. Maintenant que les juristes ne sont pas en grève, on va travailler de l'interne», a dit le maire. Son embauche avait soulevé une controverse quand il avait été révélé que l'avocat avait été l'un des organisateurs de son parti lors des élections de l'automne dernier.

Denis Coderre a insisté pour dire que le projet visait à améliorer la sécurité à la sortie des bars, un élément que la Ville de Montréal a pourtant à peine effleuré lors des audiences devant la Régie des alcools. «Quand tout le monde sort en même temps, ça fait beaucoup de bruit, il y a des questions de sécurité. Le SPVM me dit que si on élargit les heures d'ouverture, ça peut avoir un impact sur la sécurité.»

Questionné à savoir pourquoi le projet-pilote n'a pas été prévu sur le boulevard Saint-Laurent, où la majorité des problèmes à la sortie des bars sont constatés, le maire a dit avoir choisi les rues Crescent et Saint-Denis pour faire un «bon échantillonnage» entre l'ouest et l'est du centre-ville.