Le coroner en chef du Québec a ordonné, aujourd'hui, la tenue d'une enquête publique sur le décès d'Alain Magloire, cet homme abattu, lundi, par un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Sa famille salue cette initiative et espère que l'exercice provoquera une prise de conscience collective sur la prise en charge et l'intervention auprès des personnes vulnérables.

« J'ai espoir que ça fera changer les choses », a déclaré Pierre Magloire, le frère de la victime, en entrevue avec La Presse. « J'espère que ça provoquera une réflexion sur la formation des policiers au centre-ville, ainsi que sur notre système de santé. Que l'on arrête de couper dans les budgets en intervention sociale même si c'est plus facile puisque ceux qui en bénéficient sont les silencieux de notre société.»

Alain Magloire a été abattu au centre-ville de Montréal lundi. L'homme de 41 ans était vraisemblablement en état de détresse psychologique. Un agent du SPVM aurait ouvert le feu sur l'homme de six pieds six, armé d'un marteau.

« Compte tenu que certaines interventions d'urgence dans des lieux publics auprès de personnes souffrant de troubles de santé mentale ont donné lieu à des décès au cours des dernières années, il apparaît opportun de procéder à une enquête publique afin d'examiner les interventions d'urgence faites auprès de personnes chez qui on soupçonne la présence de problèmes de santé mentale », a expliqué le bureau du coroner par voie de communiqué.

L'enquête a été confiée à Me Catherine Rudel-Tessier. Le bureau du coroner n'a pas encore indiqué à quel moment se tiendraient les audiences. « En espérant que le rapport ne sera pas tabletté comme bien d'autres avant », a dit Pierre Magloire.

Depuis 2011, trois autres personnes aux prises avec un problème de santé mentale ont été abattues par la police. Mario Hamel, Farshad Mohammadi et Jean-François Nadreau ont aussi connu ce triste destin. Tous avaient deux choses en commun : ils étaient armés d'un objet menaçant et en crise.

« Le coroner en chef estime cette enquête utile, notamment pour de formuler toute recommandation qu'elle jugera utile pour réduire les risques de décès lors des interventions faites par les services d'urgence auprès des personnes présentant des problèmes de santé mentale. »

Père de deux fillettes, ancien chercheur en biochimie, intervenant auprès d'enfants handicapés durant près d'une décennie et fils de l'ancien ministre haïtien de la Justice René Magloire, rien ne prédestinait Alain Magloire à un aussi triste destin. Selon sa famille, sa vie a basculé au milieu des années 2000. C'est la prise de drogue dans un rave qui aurait allumé l'étincelle de la maladie mentale.

Les funérailles de Alain Magloire seront célébrées demain à Longueuil.



La police réagit

Le directeur de la Sûreté du Québec, Mario Laprise, a accueilli l'annonce plutôt favorablement.

« Des événements qui surviennent lors d'interventions avec ces personnes vulnérables peuvent causer une perte de confiance d'une partie du public envers la police. Alors si une enquête publique fait en sorte que les gens ont plus confiance en la police, on ne peut pas être contre », dit-il.

« C'est une problématique à laquelle les corps policiers font face et pas seulement dans les grands centres urbains, dit-il. Mais il est temps qu'on prenne le dossier de façon un peu plus large que seulement sous l'angle policier », a-t-il ajouté.

Le chef du SPVM, Marc Parent, a quant à lui réservé ses commentaires. « Je respecte les institutions en place. Lorsqu'il y a des recommandations on va toujours les analyser pour voir si elles peuvent être implantées », a-t-il toutefois précisé. 

Il souligne que le SPVM reçoit en moyenne 140 appels par jour reliés à des problèmes de santé mentale et que le corps policier a beaucoup augmenté le nombre d'équipes aptes à intervenir auprès des personnes en crise ces dernières années.

Quant à la possibilité d'utiliser d'avantage le pistolet électrique taser, il reste prudent. « C'est une arme intermédiaire comme une autre, parfois le débat est pour, parfois le débat est contre. Souvent nous avons été taxés de vouloir en mettre trop sur la route alors que nous en avons moins que d'autres organisations », dit-il.