Le ministre des Transports du Québec, Sylvain Gaudreault, s'est dit «frustré» d'apprendre hier, dans un article de La Presse, que la dalle de béton du pont Champlain présente depuis plusieurs années des «risques de rupture locale» pouvant mettre en cause la sécurité du public.

Dans un entretien avec La Presse hier, en fin de journée, M. Gaudreault a affirmé que ni lui ni les fonctionnaires de son ministère n'avaient été informés du contenu, ni même de l'existence, d'un rapport d'inspection de 2012 faisant état d'une progression des dommages au béton, sous la chaussée, et aux câbles d'acier qui assurent l'intégrité de cet ouvrage, destiné à être remplacé en 2018.

«Je me sens frustré au nom des Québécois, parce que nous avons déjà eu deux rencontres avec les autorités fédérales, l'automne dernier, au moment de l'installation de la super-poutre. On nous a parlé, à ce moment-là, d'un rapport produit par la firme Buckland&Taylor qui était public en nous disant qu'il n'y avait pas d'autres rapports.»

Pour le ministre provincial des Transports, ce nouvel épisode de la guerre de mots que se livrent depuis des mois les gouvernements fédéral et provincial «est une démonstration hors de tout doute que nous avons raison de réclamer la création d'un bureau de projet conjoint sur le pont Champlain».

Un tel bureau, ajoute-t-il, «permettrait justement d'éviter qu'on ait à se parler par médias interposés. On aurait l'information ensemble, au fur et à mesure qu'elle est disponible, plutôt que d'être toujours en réaction à ce qu'on apprend» par des voies détournées.

La semaine dernière, le ministre fédéral responsable du dossier du pont Champlain, Denis Lebel, a rejeté catégoriquement la revendication de Québec, qui souhaite être associé à la construction d'un nouveau pont pour remplacer le pont Champlain, entre Montréal et la Rive-Sud.

Ce pont, utilisé chaque jour par plus de 160 000 automobiles et camions, est l'un des plus achalandés du Canada.

Réplique d'Ottawa

À Ottawa, hier, le ministre fédéral de l'Infrastructure et des Collectivités, Denis Lebel, a tenu «à réitérer que le pont Champlain fait l'objet d'un suivi quotidien et que la sécurité des usagers demeure la première préoccupation» de son gouvernement.

«Nous avons entrepris des travaux de rénovation majeurs pour assurer la sûreté du pont existant jusqu'à l'ouverture d'un nouveau pont, notamment en prévoyant plus de 380 millions de dollars pour les travaux de maintenance, précise un communiqué publié hier par le cabinet du ministre. Les experts nous assurent que les travaux en cours n'ont pas d'incidences sur la structure et que le pont demeure sécuritaire.»

M. Lebel a par ailleurs rappelé qu'en décembre 2011, la société fédérale Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain (PJCCI), qui gère les ponts fédéraux de la région de Montréal, a organisé un briefing technique «au sujet des travaux qui font l'objet de l'article de La Presse» d'hier.

Le rapport d'inspection cité dans l'article a toutefois été produit près d'un an après cette séance d'information, et fait état d'une «progression» des dommages observés sur plusieurs des éléments qui composent la dalle du pont.

La Presse a tenté de savoir  hier s'il était courant que des rapports de ce type soient modifiés d'une telle manière avant la version finale. Pour toute réponse, l'Ordre des ingénieurs du Québec a fait savoir par courriel que l'article de La Presse «a été soumis au bureau du syndic de l'Ordre» et s'est refusé à tout autre commentaire.