Pas facile de voir clair dans la gestion des villes québécoises, déplore un groupe de recherche de HEC Montréal. À l'heure où les scandales de collusion et de corruption ont remis le mot «transparence» à la mode, les candidats à l'élection de novembre devraient s'engager à faciliter l'évaluation du coût des services municipaux, affirme le directeur du Centre sur la productivité et la prospérité, Robert Gagné.

Officiellement, le ministère des Affaires municipales publie depuis 2004 des indicateurs de gestion pour évaluer le coût des services des 1110 municipalités québécoises - le coût du déneigement ou du service de police, par exemple. Cette initiative d'étalonnage - benchmarking, en anglais - est «très embryonnaire», constate toutefois M. Gagné.

Le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, qui a obtenu l'ensemble des indicateurs en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, peine à y voir clair. De nombreuses données sont manquantes ou comportent des erreurs. Robert Gagné comprend mal pourquoi ces données ne sont pas plus facilement accessibles; il y voit un signe de la frilosité des villes à voir leur gestion évaluée.

«Monsieur et madame Tout-le-Monde doivent-ils faire une demande d'accès à l'information pour obtenir les données et ensuite faire eux-mêmes une étude de benchmarking? J'ai deux personnes à temps plein là-dessus depuis quatre mois qui essaient de réconcilier tout ça. Venez pas me dire que c'est accessible», se désole Robert Gagné.

Le site internet du ministère des Affaires municipales précise d'ailleurs que les indicateurs ont été créés pour les municipalités et non pour les citoyens. Un tableau de bord a été mis en ligne pour permettre de comparer les résultats des villes, mais celui-ci est strictement réservé aux fonctionnaires municipaux.

L'exemple ontarien

Robert Gagné estime que les villes québécoises - à tout le moins la quarantaine de villes de plus de 25 000 habitants - devraient s'inspirer de l'Ontario, qui favorise l'étalonnage. Depuis 2001, 10 villes et 6 régions administratives comparent la performance de 36 services municipaux grâce à pas moins de 800 indicateurs.

Au départ, les données étaient traitées de façon anonyme pour éviter de froisser les sensibilités. Mais depuis 2006, les villes ont accepté d'être nommées. «C'est une question de transparence et de rendre des comptes. Le public s'attend à avoir accès à ces informations en tout temps», explique Connie Wheeler, coordonnatrice de l'Ontario Municipal Benchmarking Initiative (OMBI).

«L'étalonnage, c'est la seule façon de vraiment comprendre la gestion des finances d'une ville. Un citoyen peut toujours assister à la présentation du budget chaque année, mais il n'a pas une vue d'ensemble», ajoute Mme Wheeler.