La Société de vélo en libre-service (SVLS), qui gère le BIXI, a un grave problème de liquidités qui pourrait l'acculer à la faillite. Le vérificateur général de la Ville de Montréal, Jacques Bergeron, estime en tout cas avoir «constaté suffisamment d'éléments probants pour jeter un doute important» quant à sa capacité de poursuivre ses activités.

Le constat touche tant SVLS que sa filiale BIXI Toronto. Le vérificateur général a fait part de ses inquiétudes dans deux lettres déposées par le maire Laurent Blanchard au conseil municipal lundi soir. «On nous apprend dans cette lettre que probablement BIXI est sur le bord de la faillite», a résumé le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. Il estime que les contribuables montréalais perdraient «entre 30 et 40 millions» si SVLS devait fermer les livres.

Par un jeu complexe de procédures, ces lettres n'ont pu faire l'objet d'un débat, même si plusieurs conseillers l'ont réclamé à hauts cris.

La demande de Projet Montréal de tenir un débat d'urgence ce matin, en présence du vérificateur général, est morte dans l'oeuf. Pour modifier l'ordre du jour du conseil municipal, l'unanimité est requise. Or, c'est le maire par intérim lui-même, Laurent Blanchard, qui s'y est opposé, jugeant que «le contexte ne permet pas de discuter de la chose avec sérénité».

Volet international à vendre

Qu'à cela ne tienne, le débat s'est poursuivi sous les caméras et les enregistreuses des journalistes dans le hall de l'hôtel de ville. Responsable du dossier du transport au comité exécutif, Réal Ménard a reconnu que la situation financière de BIXI était «fragile», mais il s'est dit «confiant que SVLS va passer au travers».

«Nous sommes en attente de paiements de clients à l'international. Au moment où le vérificateur général a pris la plume, il y avait un problème de liquidités. Mais nous ne sommes pas dans un scénario de faillite.»

Il a annoncé qu'une demande d'aide avait été faite auprès d'Investissement Québec. «On est dans un ordre de quelques millions de dollars, en bas de 10 millions », a-t-il précisé. La vente des activités internationales à une entreprise privée est présentement sur la glace, a-t-il ajouté. «Un acheteur s'est manifesté, la vente ne s'est pas conclue.»

Le porte-parole d'Équipe Coderre en matière de transport, Philippe Schnobb, estime «fort possible» que BIXI ait souffert de son expansion. «Pour New York, il a fallu mettre sur pied un tout nouveau système, ç'a coûté beaucoup d'argent. Il faut maintenant avoir l'information sur ce qui s'est passé. La situation semble très préoccupante.»

En point de presse, Richard Bergeron s'est montré encore plus direct: «Quand on veut comprendre un comptable, on demande à un comptable. Selon Sammy Forcillo, ce que le vérificateur général a écrit, en langage populaire, ça veut dire faillite.»

Le chef de Projet Montréal a rappelé que les états financiers 2012 de SVLS auraient dû être déposés en juillet dernier. «On attendait le rapport financier, on reçoit ce papier-là à la place. C'est inquiétant.»

Les élus montréalais ont de nouveau rendez-vous ce matin au conseil municipal. Plusieurs ont annoncé qu'ils profiteront de leur période des questions pour relancer le débat sur les déboires financiers de BIXI.

ILS ONT DIT

«J'ai tout entendu sur BIXI depuis trois ans. On est toujours sur le bord de régler la situation. Et on se retrouve aujourd'hui à risquer d'éponger une dette de 30 à 40 millions.»

 - Richard Bergeron, chef de Projet Montréal

«Aussitôt que les paiements de l'international vont venir, la situation de BIXI va devenir plus intéressante. Il n'y a pas d'intention de la Ville de Montréal de mettre fin à BIXI.»

 - Réal Ménard, responsable du transport au comité exécutif

Surplus de 109 millions... et déficit de 100 millions

Grâce à un marché immobilier en bonne santé et à des «efforts budgétaires importants», Montréal a bouclé l'année 2012 avec un surplus enviable de 109,1 millions. En déposant hier son Rapport de la situation financière de la Ville au conseil municipal, le maire Laurent Blanchard a cependant tracé un portrait plus inquiétant des états financiers à venir. Pour l'année en cours, en se basant sur les résultats au 30 juin dernier, «un déficit de 17,6 millions est anticipé». Il a dit avoir bon espoir d'arriver à le résorber, grâce aux réserves des arrondissements et à diverses mesures de restriction budgétaire. L'année 2014 s'annonce toutefois plus problématique, le maire Blanchard ayant annoncé qu'un déficit de 100 millions restait à combler. Le mois dernier, le maire a fait face à une fronde des élus au conseil municipal, qui ont rejeté par un vote largement majoritaire le gel des budgets des arrondissements en 2014. Hier, on a annoncé que le transfert d'une nouvelle partie de l'assiette fiscale aux arrondissements serait retardé d'un an. Ce n'est donc qu'en 2015 que les arrondissements hériteront des revenus correspondant à 10 cents par 100$ d'évaluation.