Il y a 35 ans, le drapeau arc-en-ciel de la fierté gaie était créé. Deux ans plus tard, Montréal accueillait son premier défilé. Dimanche, un nombre record d'élus avançaient sur un boulevard de la métropole pour appuyer les lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres, dont l'acceptation - fragile - a été mise en lumière par une récente loi homophobe adoptée en Russie.

Le défilé montréalais du boulevard René-Lévesque prenait un sens particulier avec, en toile de fond, cette loi promulguée par le gouvernement Poutine en juin, qui interdit la «propagande homosexuelle» devant les mineurs.

«Je marche aussi pour les Russes, les Africains et les gais au Moyen-Orient», a lancé le président de Fierté Montréal, Éric Pineault, avant le départ de la marche. «Mes jambes tremblent», a-t-il poursuivi, pour exprimer son excitation à céder le micro pour la toute première fois à un premier ministre du Québec.

«Le chemin parcouru est considérable, mais il faut garder à l'esprit que les acquis demeurent fragiles et qu'il faut continuer à lutter contre la discrimination sous toutes ses formes», a alors lancé Pauline Marois, tout en comparant le chemin de croix de la communauté LGBT à celui parcouru par les femmes.

«Il en va ainsi de ce que nous appelons la norme: elle évolue», a-t-elle continué. «Et pour nous permettre de changer, il faut parler haut et fort. C'est ce que nous faisons aujourd'hui, nous affirmons que le Québec est riche de sa diversité.»

Plusieurs représentants politiques, notamment le chef de l'opposition officielle à Ottawa Thomas Mulcair, le chef du PLC Justin Trudeau, le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé et le maire de Montréal, Laurent Blanchard, ont participé au défilé, se mêlant aux marcheurs colorés. Le chef libéral provincial, Philippe Couillard, était également sur place, de même que les députés de la Coalition avenir Québec, François Bonnardel et Nathalie Roy, ainsi que la députée de Québec solidaire, Françoise David.

Absence du premier ministre

Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, était quant à lui en tournée dans le nord du pays, comme il le fait chaque année. Sur son compte Twitter, il est resté muet à propos du défilé. Cela dit, Éric Pineault a souligné que Patrimoine Canada a octroyé une aide de 30 000$ à l'événement, une première.

En avant la parade

Le défilé a clos l'événement 2013 de Fierté Montréal, pendant lequel des conférences et des spectacles ont été présentés. Dès 13h, des centaines d'équipes sportives, de groupes culturels et religieux, ainsi que des organisations LGBT ont envahi les rues, sous le regard des passants captivés. Ici, il y avait une famille nucléaire. Plus loin, deux papas et leur fils, ou encore une vieille dame au large sourire.

«On a l'égalité juridique, il faut aller vers l'égalité sociale, a lancé Éric Pineault. Il faut banaliser l'homosexualité, pour qu'on ne soit plus choqué de voir deux hommes marcher main dans la main dans la rue.» Même à l'extérieur des grandes villes comme Montréal, a-t-il précisé. «La haine n'a pas disparu», a ajouté David Platts, président de l'organisme communautaire GRIS‑Montréal. «C'est comme le racisme, ça a pris d'autres formes. C'est plus caché, mais des jeunes se font encore tasser, exclure, rejeter. On utilise encore le mot gai comme une insulte.»

Loin de Montréal, le ministre russe des Sports, Vitaly Mutko, a jeté le blâme sur les médias occidentaux qui ont, à son avis, diabolisé la loi russe. «Je n'ai pas eu connaissance d'un seul incident ici. Ce problème est une invention. Il n'y a pas d'interdiction des relations [sexuelles] non traditionnelles», a-t-il ajouté, en utilisant le terme privilégié en Russie pour désigner les relations sexuelles entre conjoints de

même sexe.

- Avec La Presse canadienne et l'Agence France-Presse