Deux firmes de génie inscrites sur la liste noire de la Ville de Montréal ont malgré tout réussi à décrocher un contrat avec la métropole. SNC-Lavalin et BPR ont échappé de peu à la disqualification lors d'un appel d'offres parce que celui-ci a été lancé tout juste avant le resserrement des règles.

Une semaine après l'octroi controversé d'un contrat à une entreprise de l'entrepreneur Tony Accurso, deux nouveaux contrats soulèvent d'importants malaises au sein de l'administration municipale. Les élus du comité exécutif ont en effet été appelés hier matin à autoriser l'octroi de contrats à SNC-Lavalin et BPR.

Or, les deux entreprises se trouvent sur la liste noire de la Ville de Montréal en vertu de la politique de gestion contractuelle. Depuis le 20 décembre, ces règles régissant l'octroi des contrats interdisent de contrat toute entreprise dont un dirigeant a admis avoir commis des actes illégaux.

Et c'est précisément ce qu'on fait ce printemps deux dirigeants de ces firmes, Yves Cadotte (ex-vice-président de SNC-Lavalin) et Pierre Lavallée (ex-président de BPR). Ils ont reconnu devant la commission Charbonneau avoir pris part au système de collusion grâce auquel les firmes de génie se partageaient les contrats de Montréal.

Mais voilà, comme l'appel d'offres pour les deux contrats octroyés ce matin a été lancé le 12 décembre, soit une semaine avant l'adoption de la nouvelle politique de gestion contractuelle, ce sont les anciennes règles qui s'appliquent. Rien ne permet ainsi de leur interdire ces contrats, a précisé Laurent Blanchard. «Si l'appel d'offres avait été lancé trois semaines plus tard, le contrat ne leur aurait pas été accordé.»

Travaux urgents

Le dossier est d'autant plus ennuyeux que les travaux que doivent superviser les deux firmes sont jugés urgents. Il s'agit en effet de préparer les chantiers afin de réduire la pression dans les aqueducs de la métropole. Cette mesure pourrait permettre de réduire les fuites d'eau et les incidents comme celui survenu lundi au centre-ville quand une excavatrice de neuf tonnes a sombré dans un affaissement de la chaussée. La machine était à localiser une fuite d'eau rapportée par des commerçants.

Malgré son malaise, le comité exécutif a donné son feu vert hier matin, mais les contrats de SNC-Lavalin et BPR doivent encore recevoir l'aval des élus des conseils municipaux et d'agglomération, prévus à la fin août. Leur décision pourrait ainsi être bloquée.

La question est épineuse, puisque Montréal pourrait devoir attendre de six mois à un an pour lancer un nouvel appel d'offres. Bref, les travaux «urgents» pour sécuriser le réseau d'eau accuseraient un important retard. «Chaque fois qu'on retarde, on risque de faire face à des événements comme ce qui s'est passé [lundi] sur Guy et Sainte-Catherine», a souligné M. Blanchard. Or, les fuites sont si nombreuses que la Ville évalue avoir perdu en 2012 le tiers de l'eau qui circulait dans son réseau.