Montréal a beau interdire aux entreprises ayant reconnu avoir participé à la collusion d'obtenir des contrats, celles qui ont simplement été nommées à la commission Charbonneau continuent à en décrocher. La Ville de Montréal vient de confier un chantier de 20 millions de dollars à Excavations Gilbert Théorêt même si, selon deux témoins, l'entreprise aurait participé au trucage des appels d'offres.

L'appel d'offres pour refaire une importante section de la rue Sherbrooke a été remporté par Excavations Gilbert Théorêt. Ce contrat de 20 millions est l'un des plus importants à avoir été attribué depuis que la Ville de Montréal a été ébranlée par les révélations de l'enquête publique sur la collusion.

Nommée à la CEIC

Mais voilà, le nom de cette entreprise a pourtant rebondi à plus d'une trentaine de reprises devant la Commission d'enquête sur l'octroi des contrats publics dans l'industrie de la construction (CEIC) depuis un an. L'ex-entrepreneur Lino Zambito l'a nommée comme un membre du cercle d'entrepreneurs ayant pris part à la collusion à Montréal, principalement dans l'ouest de l'île.

«Excavations Gilbert Théorêt participait au jeu de collusion, avec une fausse soumission?», lui avait demandé le procureur Denis Gallant. «Oui.» Lino Zambito avait précisé que son contact dans l'entreprise pour truquer les appels d'offres était son président, Gilbert Théorêt.

Un autre témoin, André Durocher, a pour sa part affirmé avoir été sollicité en 2009 par Gilbert Théorêt pour présenter une soumission de complaisance. «Il m'a dit: je t'appelle au sujet de l'appel d'offres du boulevard Gouin. Je regrette, c'est à moi, il m'est promis, puis ça s'arrête là «, a raconté l'ancien entrepreneur.

André Durocher a indiqué qu'il avait refusé parce que, pour survivre, son entreprise devait décrocher un contrat. C'est finalement Excavations Gilbert Théorêt qui a remporté la mise, avec une offre de 7,5 millions. André Durocher estime toutefois que son refus avait permis à Montréal d'économiser une somme importante, puisque son rival lui avait proposé de présenter une soumission de complaisance à plus de 9 millions.

Pas le choix

La Ville de Montréal affirme n'avoir d'autre choix que d'attribuer le contrat à l'entreprise, puisque celle-ci a présenté la soumission la plus basse et qu'elle a passé le filtre de l'Autorité des marchés financiers (AMF). «On ne peut pas décider de ne pas octroyer le contrat. Il faut une raison valide. Nous n'avons plus d'autre recours, à moins d'avoir quelque chose de grave», a indiqué un porte-parole du comité exécutif, Jonathan Abecassis.

L'entreprise a en effet obtenu le 30 mai dernier une attestation de conformité. «Cette entreprise apparaît à notre registre public des entreprises autorisées», confirme un porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge.

Premier de trois

Ce contrat de 20 millions ne représente que la première de trois phases pour refaire les égouts de la rue Sherbrooke, entre le Parc olympique et l'avenue Papineau, un chantier qui devrait durer jusqu'en décembre 2018.

Quinze entreprises se sont procuré les documents pour répondre à l'appel d'offres, mais seulement quatre ont finalement présenté une soumission. Parmi elles, une autre a été fréquemment nommée devant la commission Charbonneau, soit Louisbourg SBC.

Alors que Montréal constate une baisse généralisée du prix de ses chantiers depuis la fin de 2009, le prix pour ce projet est pourtant 12% plus élevé que l'estimation faite par la Ville.

Pour expliquer ce coût élevé, la Ville indique qu'il s'agit d'un chantier complexe comportant plusieurs phases, des sols contaminés et qui nécessitera une importante gestion des impacts sur la circulation.