La rénovation de l'aréna Martin-Brodeur, dans l'arrondissement Saint-Léonard, est à nouveau retardée. Ayant «des doutes sur la qualité des soumissions» présentées par les entrepreneurs, la Ville de Montréal a ordonné la reprise de l'appel d'offres.

À l'ouverture des soumissions, en juillet dernier, le prix du plus bas soumissionnaire, Édilbec Construction, était de 10,2 millions (avant taxes et contingences), soit 18 % de plus que l'estimation de la Ville. Malgré tout, la Ville a d'abord accepté d'aller de l'avant, puis s'est ravisée.

«Bien que ça puisse être un écart de prix acceptable, on avait de la difficulté à expliquer les disparités dans certaines parties des soumissions. En bout de course, le comité exécutif a reçu nos hésitations et a mandaté le contrôleur général. Au terme de son examen, il a recommandé de rejeter l'ensemble des soumissions et de retourner en appel d'offres», explique à La Presse Michel Nadeau, directeur des stratégies et transactions immobilières à la Ville.

Pourrait-il s'agir de collusion? «On avait des préoccupations quant à la transparence et à la liberté de marché», se limite à dire M. Nadeau, prudent.

Le prix soumis par certains entrepreneurs pour le béton nécessaire au projet était 75 % voire 95 % plus élevé que l'estimation de la Ville. Il y avait aussi des dépassements importants pour l'acier et l'isolation du toit.

Michel Nadeau note que certains entrepreneurs ont tendance à soumettre des prix plus élevés pour les éléments qui sont livrés et payés en premier comme le béton, question de se constituer un fonds de roulement au début d'un projet. Pour compenser, ils demandent moins cher pour les éléments livrés à la fin.

«Les entrepreneurs sont souvent un peu étirés sur leur marge de crédit, donc ils aiment maximiser les rentrées d'argent tôt dans le processus, mais ce n'est pas une approche qu'on encourage», commente M. Nadeau.

«C'est une stratégie qui date du bon vieux temps, qu'on n'appliquait pas vraiment et qui est de moins en moins réaliste» compte tenu des vérifications accrues des municipalités, réplique Roberto Bianchini, président du Groupe TEQ, qui a participé à l'appel d'offres pour l'aréna.

«Pas de magouille»

M. Bianchini et Domenico Savo, vice-président d'Édilbec, nient tous deux catégoriquement que le projet de l'aréna Martin-Brodeur ait pu faire l'objet de collusion. «C'est difficile de faire un arrangement parce qu'il y a tellement de gens impliqués», dit M. Savo en faisant référence aux nombreux sous-traitants des entrepreneurs.

«Il n'y a pas de magouille là-dedans, ajoute-t-il. On reçoit les prix des sous-traitants et on fait nos soumissions. C'est le plus bas soumissionnaire conforme qui devrait avoir la job. Si la Ville n'a pas le budget pour faire le projet, c'est une autre affaire.»

Lors d'une réunion, un entrepreneur aurait lancé qu'il préférait ne pas soumissionner à Saint-Léonard, soupçonnant que ce marché soit «fermé», raconte une source. Michel Nadeau n'y croit pas. «Il y a toujours un ou deux entrepreneurs qui prétendent s'être fait dire de ne pas soumissionner ici ou là, constate-t-il. C'est parfois des excuses.»

Les trois entrepreneurs contactés par La Presse font remarquer que le projet de l'aréna Martin-Brodeur est plus complexe que la réfection d'autres arénas.

M. Nadeau n'exclut pas que l'estimation de la Ville soit trop basse. «Il va peut-être falloir se rendre à l'évidence qu'il y a quelque chose que les entrepreneurs voient qu'on ne voit pas, mais pour l'instant, on préfère tester le marché une deuxième fois pour voir ce que ça va donner», affirme-t-il.

Domenico Savo ne s'attend pas à ce que les prix diminuent substantiellement. L'ouverture des nouvelles soumissions doit se faire d'ici la fin du mois. « Les coûts sont élevés, mais ce ne sont pas des coûts exagérés, soutient M. Savo. Ce sont les prix du marché. »

Michel Nadeau révèle que l'an dernier, sur 80 projets dans le secteur immobilier, les soumissions reçues étaient en moyenne 15 % moins chères que les estimations de la Ville. Bon an, mal an, à peine un ou deux appels d'offres doivent être repris, et ce pour diverses raisons, précise-t-il.

En vertu d'un programme lancé en 2010 et qui s'échelonnera jusqu'en 2020, Montréal rénovera ses 34 arénas au coût projeté de 275 millions. L'objectif principal des travaux est de remplacer les systèmes de réfrigération fonctionnant aux gaz chlorofluorocarbonés (Fréon), qui appauvrissent la couche d'ozone et qui deviendront interdits à partir de 2020 en vertu du Protocole de Montréal.

La réfection de l'aréna Martin-Brodeur devait débuter en 2011, puis l'année dernière. Il est maintenant prévu que les travaux commenceront en septembre pour se terminer un an plus tard, à l'automne 2014.