Craignant manifestement les conséquences politiques et économiques de voir Montréal perdre le siège de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) au profit du Qatar, le gouvernement Harper met tout son poids dans la balance pour éviter cet affront.

Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, multiplie les rencontres et les appels téléphoniques depuis quelques jours afin de contrer l'offensive du Qatar pour arracher cette agence des Nations unies au Canada.

M. Baird s'est rendu à Montréal hier soir afin de rencontrer le ministre des Relations internationales du gouvernement Marois, Jean-François Lisée, et le maire de Montréal, Michael Applebaum, afin d'élaborer une stratégie commune. Les trois hommes doivent rencontrer les médias ce matin afin de faire le point.

Motion unanime

Conscient de l'urgence de la situation, le ministre Baird a aussi fait adopter hier une motion unanime à la Chambre des communes pour le maintien de cette organisation à Montréal. Cette motion souligne non seulement les retombées économiques (120 millions de dollars, 600 emplois directs et 1200 emplois indirects) de cette agence dans la métropole, mais aussi la valeur et la contribution de l'industrie aérospatiale pour la grande région de Montréal.

La Chambre des communes «appuie pleinement tous les efforts déployés par le gouvernement du Canada, en collaboration avec la province du Québec et la ville de Montréal, afin de veiller à ce que le siège de l'OACI demeure dans cette ville de renommée mondiale, où il devrait être, aujourd'hui et demain», peut-on également lire dans cette motion.

Selon des informations obtenues par La Presse, le Canada et le conseil de l'OACI ont conclu une entente de principe afin que l'organisme demeure à Montréal au-delà de 2016. Cette entente, qui permettrait à l'OACI de rester à Montréal jusqu'en 2036, doit être signée par le secrétaire général de l'organisation, le Français Raymond Benjamin.

Dans les rangs conservateurs à Ottawa, on s'indigne des tactiques utilisées par le Qatar pour obtenir le transfert du siège de l'OACI. «Regardez comment s'y est pris le Qatar pour soumettre sa proposition à la 11e heure. (...) Ils sont prêts à offrir des pots-de-vin et des sacs pleins d'argent à des pays pour obtenir leurs votes. Évidemment, tout pays qui respecte la primauté du droit comme le Canada ne peut faire cela. Nous allons continuer à promouvoir une politique étrangère fondée sur des principes», a soutenu une source gouvernementale.

La perte de l'OACI serait perçue comme un échec de la politique étrangère du gouvernement Harper, lui qui doit encore porter l'opprobre du revers subi en 2010 aux Nations unies quand il a tenté d'obtenir un des sièges non permanents du Conseil de sécurité.

Front arabe anti-Canada

Le Globe and Mail a rapporté hier que la position pro-Israël du gouvernement Harper soulève plus que jamais l'ire du monde arabe, et que plusieurs pays arabes sont prêts à unir leurs efforts pour arracher à Montréal le siège social de l'OACI.

Dans sa croisade pour obtenir le siège de l'OACI, le Qatar a brossé un portrait sombre de Montréal et du Canada, citant notamment l'éloignement de l'Europe et de l'Asie, l'hiver rigoureux, la difficulté d'obtenir des visas canadiens pour les membres des délégations, l'«insatisfaction significative» des diplomates à l'égard des services offerts ainsi que des taxes et des impôts élevés.

Le petit émirat s'est aussi engagé à construire pour l'OACI un édifice ultramoderne et à couvrir la totalité de ses dépenses d'exploitation, alors que le Canada et le Québec en remboursent actuellement 80%. On promet aussi une exemption totale de taxes et d'impôts pour l'OACI et son personnel.

Malgré l'entente de principe conclue entre le Canada et les dirigeants de l'OACI, l'assemblée générale de l'OACI doit statuer sur l'offre du Qatar à l'automne. L'appui de 60% des 191 pays membres est requis.