Nul n'est censé ignorer la loi, dit l'adage. Plusieurs voisins de la rue Clark l'ont appris à la dure, samedi matin, après avoir reçu des contraventions. Leur crime: avoir omis d'orienter vers le trottoir les roues de leurs véhicules stationnés dans une pente.

Ces automobilistes «délinquants» de l'arrondissement de Ville-Marie ont écopé d'une amende totalisant 56$ pour avoir enfreint un règlement insolite, mais bien réel du Code de la sécurité routière, «en n'orientant pas les roues avant du véhicule stationné dans une pente vers la bordure la plus rapprochée de la chaussée», selon l'article 393, reproduit sur les constats d'infraction.

Les Montréalais pris en faute ne cachaient pas leur indignation. «J'ai l'impression que la Ville a voulu faire un coup de cash», peste Amélie Bruneau-Longpré, dont la voiture était garée comme d'habitude devant la porte.

La pente est faiblement inclinée dans ce tronçon de la rue Clark, ce qui attise encore plus la colère des résidants. «Personne ne savait même que ce règlement existait, c'est très frustrant!», tonne Alexandra, qui a l'intention de contester sa contravention, à l'instar des autres contrevenants interrogés. «Pendant que la commission Charbonneau lève le voile sur toutes sortes de scandales, la Ville a pour mission de renflouer les coffres!», croit cette jeune mère de famille.

Une thèse partagée par son voisin Roberto Screnci. «La Ville s'est fait frauder et cherche maintenant de l'argent quelque part. Je comprends que la police a des quotas à remplir!», avance ce directeur musical, qui a aussi retrouvé un billet sur sa voiture.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) évoque des raisons de sécurité pour justifier l'application du règlement. «Il peut arriver qu'une transmission lâche et qu'une voiture garée dans une pente se retrouve dans la circulation», a fait savoir l'inspecteur André Durocher, de la Division de la sécurité routière et de la circulation au SPVM.

L'inspecteur ajoute que le commandant du quartier où les constats ont été délivrés aurait demandé à ses effectifs d'être vigilants par rapport à ce règlement, à la suite d'un accident récent qui serait survenu de cette façon, rue Hôtel-de-Ville.

Symptôme de la pression?

Il y a tout juste un mois, le président de la Fraternité des policiers dénonçait publiquement la pression exercée par la Ville sur les agents du SPVM. Cette sortie faisait suite à une nouvelle publiée dans Le Devoir et voulant que la direction générale de la Ville de Montréal fasse pression sur l'état-major de la police pour augmenter le nombre de constats délivrés afin de renflouer les coffres. Yves Francoeur avait qualifié «d'inégalé» le niveau de pression subi par les 4000 policiers montréalais.

Les autorités, interrogées hier à ce sujet, nient avoir imposé une telle pression aux policiers. «Il n'y a pas de mot d'ordre là-dessus. On le répète ad nauseam, mais notre objectif est d'améliorer notre bilan routier et on met l'emphase lorsque des situations particulières le commandent», résume l'inspecteur André Durocher.

La Ville affirme pour sa pas ne pas fixer d'objectif à la police par rapport au nombre et au type de constats d'infraction. Quant aux revenus générés par les contraventions, leur variation ne touche d'aucune façon les services rendus à la population, assure un porte-parole.

Les contraventions sont néanmoins à la source de retombées considérables pour la Ville, oscillant autour de 160 millions de dollars chaque année.

La police de Montréal a distribué 569 093 constats d'infraction en 2012, soit environ 40 000 de moins qu'en 2011. Les agents de stationnement (ADS) ont pour leur part délivré 1 269 997 constats l'an dernier.

La Presse a par ailleurs révélé récemment que le nombre de constats d'infraction remis aux piétons a explosé en 2012, même si le nombre de victimes est stable depuis quelques années. Le SPVM a ainsi remis 18 962 constats aux piétons l'an dernier, soit une augmentation de plus de 100% par rapport à 2007.

Mais au-delà des statistiques et des lois en vigueur, les voisins de la rue Clark plaident pour une loi encore plus simple: celle du gros bon sens.