Les téléviseurs du café tunisien Sidi Bou Saïd, en plein Petit Maghreb montréalais, transmettent depuis trois jours les images de la Chaîne nationale 1, au moment où le pays est en proie à une nouvelle période d'instabilité. Mercredi, un politicien charismatique de l'opposition a été abattu à bout portant, en pleine rue, à Tunis.

Ahmed, qui sert le café à une dizaine d'hommes à travers la fumée de pipes à eau, affirme que les membres de sa communauté se font du mauvais sang pour leur famille et pour leur pays en général. «Tout le monde est inquiet», résume-t-il, en ajoutant que la situation domine les discussions. Au-dessus de son comptoir, une affiche touristique défraîchie semble narguer l'actualité. «Tunisie. Terre de sérénité», ont écrit ses concepteurs, sous une image paradisiaque.

Optimisme

Hatem Ben Ameur, professeur de HEC Montréal d'origine tunisienne, a les yeux rivés sur un débat télévisé entre politiciens au passage de La Presse. «On peut ne pas s'entendre, on peut se disputer, on peut utiliser des propos rudes. Mais que ça en arrive au meurtre? C'est inquiétant, affirme-t-il. C'est nouveau, on ne connaît pas ça.» Au Québec depuis 17 ans, le professeur est retourné dans son pays d'origine à quelques reprises depuis la chute du régime Ben Ali. Malgré les difficultés, il «reste optimiste» de voir la situation s'apaiser rapidement.

Un autre Tunisien installé à Montréal, Sami, dit lui aussi «suivre l'actualité» de près et s'inquiéter pour l'avenir du pays. Le jeune étudiant craint notamment qu'une trop grande instabilité en Tunisie n'incite des pays étrangers à y intervenir. «On va se sortir de cette situation par nous-mêmes, évalue-t-il. Nous sommes dans une période transitoire, c'est normal qu'il y ait de l'instabilité. Il faut du calme et de la sagesse.»

Malgré le climat délétère qui règne depuis le milieu de la semaine en Tunisie, les membres de la diaspora semblent avoir bon espoir de voir la démocratie survivre. Jamais le pays ne replongera dans une dictature comme celle de Ben Ali, assure Hatem Ben Ameur.

«À mon avis, le processus de démocratisation est là pour durer, explique-t-il. C'est irréversible.» Selon lui, le fait que les Tunisiens aient un niveau élevé de scolarité empêchera le pays de renouer avec son passé autocratique. Ils ont déjà goûté à la dictature et n'en veulent plus, ajoute-t-il.

En 2011, les Tunisiens ont été les premiers à se débarrasser du régime autoritaire qui les gouvernait, au début de ce qui est devenu le Printemps arabe. Depuis, un gouvernement de coalition a été élu, mais est aux prises avec de graves querelles internes. Le choix des ministres pose notamment problème.