En réclamant que la Société de transport de Montréal (STM) offre des services bilingues, le ministre Jean-François Lisée va à l'encontre du projet de loi 14 - la vaste réforme de la Charte de la langue française déposée en décembre dernier -, estime la STM.

La STM analyse actuellement les besoins en matière de bilinguisme de ses employés et fera un rapport à l'Office québécois de la langue française au printemps. Toutefois, il n'est pas question de verser dans le bilinguisme intégral, prévient la porte-parole Odile Paradis. «Il n'y a pas un seul chauffeur d'autobus au Québec qui se voit exiger la connaissance de l'anglais, pas même en Outaouais ou à Sherbrooke», rappelle Mme Paradis.

«On ne s'en va pas vers le bilinguisme pour tout le monde, on a toujours été exemplaires», observe-t-elle. «Le projet de loi 14 veut resserrer encore plus la loi, elle voit une affirmation encore plus franche du fait français au Québec, cela ne va pas vers l'ouverture [au bilinguisme]», souligne Mme Paradis. La loi actuelle prévoit qu'on doit démontrer «la nécessité» du bilinguisme pour un poste.

Les médias anglophones

L'an dernier, trois incidents mettant en cause l'unilinguisme des employés sont survenus - dont l'un était en fait une altercation sans véritable enjeu linguistique. Dans deux autres cas, les employés qui ont refusé de répondre en anglais - contrevenant ainsi aux directives de l'employeur - ont fait l'objet de sanctions.

Dans une entrevue à la station CJAD, le ministre Lisée, actuellement en Inde, avait soutenu que la STM devait être en mesure de donner des services en anglais. «STM, are you hearing?», a-t-il lancé en ondes.

Cette déclaration a fait bondir le président du Mouvement Québec français, Mario Beaulieu. «M. Lisée se fait le relais d'une offensive sans précédent des médias anglophones afin que la STM exige que ses travailleurs donnent des services en anglais. Cette déclaration nous semble aussi irresponsable que contradictoire avec les engagements du Parti québécois. Avec ce gouvernement, nous espérions obtenir mieux, et non pire, en matière linguistique», a indiqué M. Beaulieu, qui rappelle que le gouvernement libéral n'avait jamais blâmé la STM pour avoir offert ses services en français.

Mario Beaulieu affirme que, de l'avis du ministre responsable des relations avec les anglophones, la STM «devrait s'inspirer de l'Agence métropolitaine de transport pour exiger que les inspecteurs, les guichetiers et tous les employés en contact avec la clientèle soient bilingues anglais-français». «Nous croyons qu'au contraire l'AMT devrait s'inspirer de la STM pour franciser ses services», tranche-t-il.

Pendant la campagne électorale, rappelle Mario Beaulieu, «Mme Marois a affirmé avoir pour objectif d'augmenter l'utilisation du français partout dans nos institutions, dans nos commerces et dans nos écoles. Avant son élection, le ministre Lisée déclarait: "Nous refusons d'être la génération qui verra Montréal marginaliser le français!"», ajoute-t-il.

Le «bilinguisme institutionnel»

Selon lui, «le déclin du français à Montréal est largement attribuable au bilinguisme institutionnel qui s'est propagé partout dans les services publics à tous les paliers de gouvernement».

«La STM est un des derniers remparts du français à Montréal. La clientèle touristique de toutes langues y est très bien orientée grâce à des pictogrammes, et certains services sont déjà bilingues [messages concernant la sécurité, centre d'information, etc.], mais les autres services et l'affichage y sont essentiellement en français», observe M. Beaulieu.