Le vaste chantier pour décontaminer l'ex-Technoparc, qui devait être ouvert au plus tard cette année, est retardé d'au moins cinq ans.

La complexité, le coût des travaux et surtout les difficultés à trouver un accord avec les autres ordres de gouvernement expliqueraient ce retard. La Ville de Montréal a finalement signé une entente avec le ministère de l'Environnement et la Société des ponts fédéraux seulement en avril dernier pour décontaminer cet ancien dépotoir, qui a servi depuis 1860 à l'enfouissement de déchets domestiques et industriels extrêmement toxiques.

«C'est une solution globale, on va régler le problème pour l'ensemble du territoire touché, explique Josée Samson, ingénieure de section à la Direction de l'environnement de la Ville. Il y a maintenant une volonté commune de s'y attaquer.»

On estime que le sol, composé de remblais sur le lit du Saint-Laurent, contiendrait de 4 à 8 millions de litres de diesel, ainsi que d'une à deux tonnes de biphényles polychlorés.

Selon un rapport du Centre d'excellence de Montréal en réhabilitation de sites (CEMRS), commandé par Montréal et rendu public en 2009, 530 m3 d'eau souterraine contaminée s'écouleraient tous les jours de ce terrain. L'organisme évalue à entre 70 et 122 millions les coûts liés à la réhabilitation de ce terrain situé en bordure de l'autoroute Bonaventure. Le traitement des contaminants représenterait de 40 à 61 millions, soit près de la moitié de la facture.

Une solution «inefficace»

À défaut d'y installer les pompes et les puits promis depuis près d'une décennie, la Ville de Montréal a renouvelé le 19 décembre dernier le contrat d'environ 100 000$ par année pour intercepter les écoulements d'hydrocarbures dans le fleuve, grâce à de gigantesques boudins absorbants. Cette mesure qui devait être temporaire est en fait utilisée depuis 1991.

«Ce n'est pas du tout efficace, c'est bien évident, déplore le militant environnementaliste Daniel Green, de la Société pour vaincre la pollution. Mais on nous cache les données, comme dans tout ce qui concerne ce dossier révoltant.»

Il souhaite ardemment pouvoir recueillir suffisamment de fonds, près de 50 000$, pour mener une vaste opération d'échantillonnage afin de prouver l'ampleur de la pollution dans le fleuve, «du jamais vu», selon l'écologiste américain Robert Kennedy fils.

M. Green souhaite établir hors de tout doute, devant un tribunal, que Montréal néglige ses responsabilités et traîne les pieds dans ce dossier. «Ce qu'il faut, c'est une obligation légale, par décision de cour, pour forcer la Ville à agir», dit-il. Il estime par ailleurs que les travaux annoncés pour la construction d'un nouveau pont Champlain vont empirer la situation: les vibrations causées par la forte affluence de poids lourds accéléreront l'écoulement des eaux contaminées, prédit-il.

Des saules prometteurs

La Ville de Montréal a investi plus de 5 millions jusqu'à maintenant pour ce terrain problématique, dont elle a hérité en 1989 pour la somme symbolique de 1$. On a notamment construit en 2005, au coût de 2 millions, un mur d'interception de 160 m près du pont Victoria. À partir de 2008, l'administration de l'ex-maire Gérald Tremblay a dit à plusieurs reprises son intention de réhabiliter ce terrain de près de 2 km de longueur sur 500 m de largeur, au plus tard à partir de 2012.

En 2009, un projet-pilote de traitement de la contamination par des plantes - en fait, des saules qui aspiraient l'azote ammoniacal - a été mis sur pied au coût de 370 000$. Il vient de se terminer. «Ça semble bien fonctionner... à petite échelle», indique

Mme Samson.

Ce ne sera clairement pas la solution retenue pour l'ensemble du terrain, dont le nom officiel est Parc d'entreprises de la Pointe-Saint-Charles. Selon la décision prise par le comité exécutif le 19 décembre, une étude de faisabilité sera lancée le mois prochain. D'ici à 2018, on prévoit décider de la solution la plus appropriée, préparer les plans et devis et lancer l'appel d'offres.