Après avoir accepté de payer les frais juridiques de deux anciens hauts fonctionnaires en attente de procès pour fraude, la Ville de Montréal ferme le robinet et réclame les 160 000$ qu'elle a déjà versés à leurs avocats. Les deux hommes demandent à la Cour supérieure d'ordonner à la Ville de respecter ses engagements et de payer leur défense.

Jean-Claude Patenaude, conseiller politique et ex-directeur adjoint de l'arrondissement d'Outremont, et Yves Mailhot, ingénieur et ex-directeur du même arrondissement, ont démissionné en 2007, alors que l'administration du maire Stéphane Harbour était la cible d'allégations de fraude et de dépenses extravagantes. Mais ce n'est qu'en avril 2010 que M. Patenaude et M. Mailhot ont été accusés de fraude, conjointement avec l'ex-maire d'Outremont. Au début, la Ville avait accepté de payer la défense des trois accusés.

En novembre 2011, une résolution a même été adoptée pour accorder une somme additionnelle de 300 000$ pour les honoraires de deux des avocats, Me Gilles Doré et Me Annie Lahaise. Mais la Ville a changé d'idée il y a quelques semaines et réclame ce qu'elle a déjà payé.

Deux ans et demi après leur mise en accusation, les trois hommes n'ont toujours pas eu de procès. Ils n'ont même pas eu leur enquête préliminaire, qui doit se tenir en juin 2013. Mais la Ville a déjà versé 151 262,60$ à Me Doré, qui représente M. Patenaude, et 9002,70$ à Me Lahaise, avocate de M. Mailhot. Dans la requête, on signale que la somme doit être prise globalement, car les deux avocats conjuguent leurs efforts pour la recherche et la préparation. On ignore la somme qui a été versée pour M. Harbour, car il fait cavalier seul; son avocate, Me Nadine Toumas, n'est pas partie à cette requête.

L'exemple de l'ex-mairesse de Boisbriand

Quoi qu'il en soit, pour étayer son refus, la Ville s'appuie sur un jugement rendu cette année en Cour supérieure à l'égard de l'ex-mairesse de Boisbriand Sylvie St-Jean. Le jugement a confirmé que la Ville de Boisbriand n'a pas à payer les frais d'avocat de Mme St-Jean, accusée de fraude, de corruption et d'abus de confiance.

Me Philippe Ferland, qui pilote la requête en injonction permanente et en jugement déclaratoire pour M. Patenaude et M. Mailhot, soutient que le cas de ces derniers diffère de celui de Mme St-Jean, notamment parce que la Ville s'était déjà engagée à payer leur défense. Et elle l'a fait en toute connaissance de cause, avec tous les documents en main, précise-t-il. La Loi sur les cités et villes stipule que la Ville doit assumer la défense des membres du conseil ou des employés quand la faute alléguée s'est produite dans l'exercice de leurs fonctions.

Dans le cas de Mme St-Jean, le juge Pierre Nollet était d'avis que la nature même des accusations démontrait que les gestes reprochés n'étaient pas d'utilité publique. Ce jugement a été porté en appel et aucune décision n'a été rendue jusqu'à maintenant.

Rappelons que Frank Zampino, ex-président du comité exécutif de Montréal qui doit être jugé pour fraude, a lui aussi déposé une requête en Cour supérieure, il y a quelques semaines, pour forcer la Ville à assumer sa défense.