Trop haut, trop dense, pas assez démocratique. Après avoir suscité une mobilisation inédite de résidants d'Ahuntsic, le projet du promoteur Musto sur les anciens terrains de Transports Québec a été rejeté sans détour par l'Office de consultation publique de Montréal.

Dans un rapport qualifié de «cinglant» et de «dévastateur» par les opposants, l'OCPM demande au conseil municipal de ne pas autoriser la construction de ce complexe de 932 copropriétés réparties dans des immeubles de 4 à 12 étages. Lors des consultations publiques, l'organisme avait reçu 124 mémoires dont seulement 4 étaient favorables au projet Musto.

L'administration Tremblay a annoncé en milieu de journée qu'elle se rallie aux recommandations de l'OCPM et interrompt tout le processus d'adoption du règlement. «Les préoccupations des citoyens ont été clairement exprimées lors des audiences de l'OCPM sur ce projet, a déclaré par communiqué le président du comité exécutif, Michael Applebaum. Les citoyens veulent prendre part à l'élaboration d'une vision de développement pour ce secteur, et c'est pourquoi nous entreprendrons une démarche de planification participative, conformément aux recommandations de l'Office.»

L'arrondissement lancera rapidement la planification détaillée qui doit mener à l'adoption d'un «projet particulier d'urbanisme», indique-t-on. On veut y associer les citoyens, qui pourront ensuite se prononcer au cours d'une autre consultation publique.

«C'est une belle victoire pour la démocratie, pour les citoyens d'Ahuntsic, a déclaré Luc Villandré, porte-parole du comité de citoyens opposé au projet. Notre mobilisation devrait servir de modèle dans le futur: les citoyens ont des recours et ne devraient pas se laisser aller au cynisme.»

Peu d'innovations

À peu près aucun aspect du projet n'a trouvé grâce aux yeux de l'OCPM. Alors que le promoteur se targuait d'offrir un exemple de TOD (Transit Oriented Development) en raison de la proximité de la gare Bois-de-Boulogne, le rapport indique que «les conditions nécessaires pour que le projet puisse bénéficier de la présence de cette gare n'existent pas». On estime qu'il faudrait une «solide justification» pour déroger aux limites de hauteur de six étages du secteur, ce que le promoteur n'a pas fourni.

Même s'il affirmait proposer un aménagement durable, «le projet présente peu de composantes environnementales ou novatrices», note le rapport. Enfin, il aurait fallu procéder à une planification détaillée du secteur et à des consultations préalables avant d'autoriser tout projet d'importance.

«Le projet présenté ne peut être bonifié par des corrections à la pièce ou de caractère cosmétique», juge l'OCPM. L'organisme ne fait cependant pas écho aux inquiétudes des citoyens qui craignaient une hausse de la criminalité, soit en raison de la densité de population amenée par le complexe, soit en raison de la proximité de deux établissements pénitentiaires. «Rien ne permet de croire que le projet soit plus exposé que d'autres à ces facteurs», estime-t-on.

Fossé «trop large»

Comme l'ont indiqué la plupart des participants aux consultations publiques, il est souhaitable de donner une nouvelle vocation à ce vaste terrain inutilisé de 40 864 m2, l'équivalent de sept terrains de football. La densification du secteur a également fait l'unanimité. L'OCPM recommande cependant de le faire en misant sur «l'insertion harmonieuse du projet dans le tissu urbain existant».

«Le fossé était trop grand pour être comblé uniquement par des bonifications», estime Étienne Brunet, conseiller du district Sault-au-Récollet dans Ahuntsic-Cartierville, élu sous la bannière de Vision Montréal.

Du côté de Projet Montréal, la conseillère du district Ahuntsic Émilie Thuillier dénonce le promoteur qui a refusé de tenir des consultations préalables, de sorte que les citoyens ont dû se prononcer sur un projet achevé. «Il y a des promoteurs qui ont envie de faire des beaux projets, d'autres qui veulent faire des projets, point. C'est un site difficile à aménager, il faut que le promoteur soit prêt à y mettre de l'énergie, du temps et de l'argent. Ici, le promoteur était un peu hors champ.»

Par communiqué, le promoteur Marco Musto s'est dit «très déçu» du rapport, estimant qu'il avait respecté «à la lettre toutes les étapes du processus dicté par les autorités municipales» depuis quatre ans. Il a en outre rappelé qu'il avait payé plus de 1 million de dollars d'impôt foncier sur le terrain, sans compter les frais pour les plans et devis. Il demande un remboursement «immédiat» de l'impôt foncier ainsi qu'un congé fiscal «d'ici à l'adoption de ce nouveau règlement de zonage».

«Il est plus que temps de savoir à quoi s'en tenir pour l'avenir de ce terrain, estime le promoteur. La solution est maintenant entre les mains des élus.»