Une manifestation qui ne regroupait pourtant pas tant de participants a donné du fil à retordre aux policiers. Pendant plus de trois heures, les militants se sont fait asperger de gaz, ont reçu des coups de matraque, ont été frappés par des chevaux, invectivés par des citoyens. Deux personnes ont été arrêtées.

Vers 10h, un groupe formé de 50 à 100 étudiants et militants anticapitalistes s'est installé devant l'hôtel InterContinental, où se déroulait l'assemblée des actionnaires de Power Corporation. Les slogans anticapitalistes, voire communistes, ont fusé jusqu'à ce que les manifestants s'avancent tout près des portes de l'hôtel, gardées par des policiers, qu'ils ont abreuvés d'insultes. Des agents ont alors saisi un des protestataires pour l'arrêter. Il a réussi à se libérer, mais cela a déchaîné le groupe, qui a par la suite essuyé quelques jets de gaz poivre. Les agents se sont repliés à l'intérieur, et des policiers antiémeutes sont sortis, avec boucliers et matraques, pour repousser les manifestants dans le parc, de l'autre côté de la rue, avec l'aide de la cavalerie.

Un militant a lancé le manche de sa pancarte sur un des chevaux, qui n'a pas bronché. Vers 11h, le groupe a été rejoint par un autre, mobilisé par la Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE). Ensemble, ils ont entrepris une marche dans la ville. Au premier rang de ce groupe de 300 personnes, des militants de l'Union communiste libertaire tenaient leur banderole rouge et noir. Ce groupe, qui prône la démocratie directe et la quasi-abolition de l'État, est présent dans plusieurs manifestations étudiantes, mais ses membres se défendend de tout lien avec la CLASSE, qu'ils jugent bien plus modérée qu'eux.

Les protestataires se sont rendus à l'intersection de l'autoroute Ville-Marie et de l'avenue Papineau, qu'ils ont bloquée pendant 10 minutes. Leur court siège a causé un bouchon monstre dans le tunnel Ville-Marie. Quelques automobilistes gesticulaient pour exprimer leur colère. Un autre a déclaré que tout ça lui rappelait mai 68.

Menacé d'arrestation par la police, le groupe s'est remis en marche vers le quartier des affaires et le square Victoria. Les manifestants y sont demeurés un bon moment, bloquant la rue Saint-Antoine et faisant face aux policiers, mais aussi, à l'heure du dîner, à plusieurs travailleurs du secteur pas du tout sympathiques à leur cause. Une altercation si violente qu'on a cru qu'elle finirait en bagarre a éclaté entre des manifestants et des citoyens.

«Ouvrez les yeux, ça ne sert à rien, ce que vous faites! Allez étudier!», a lancé une femme à plusieurs reprises. Devant le barrage d'insultes qui lui ont été adressées en guise de réponse, un homme a pris sa défense et traité les manifestants de peureux qui n'osent pas enlever leur masque pour argumenter. Un manifestant s'est alors approché de lui et, littéralement nez à nez, ils se sont violemment insultés en se postillonnant au visage. Certains manifestants ont même dû en retenir d'autres pour éviter qu'ils s'en prennent à des citoyens qui ne partageaient pas leurs vues.

«Regarde les crisses de futurs chômeurs!», a lancé un homme à un autre en désignant les manifestants.

Heureusement, aucun étudiant ne l'a entendu. Puis, la tension a de nouveau monté quand la police a arrêté un jeune homme. Les manifestants se sont précipités sur la scène, poursuivis par les policiers à cheval. Une des bêtes a d'ailleurs durement plaqué et projeté contre une voiture un jeune homme qui se trouvait sur son chemin. Il s'est relevé, furieux.

Puis, les policiers ont annoncé que la manifestation était désormais considérée comme illégale. Un commandant a ordonné aux manifestants de se disperser, ce qu'ils ont fait vers 13h15. Certains sont allés rejoindre un autre groupe qui préparait une manifestation festive au parc Émilie-Gamelin visant à dénigrer le règlement antimasque que souhaite faire adopter la Ville de Montréal.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

On compte une arrestation à l'Intercontinental.