Alors que s'accumulent les plaintes pour logement insalubre à Montréal, la Ville force rarement la main aux propriétaires négligents. Depuis cinq ans, la métropole n'a seulement utilisé que quatre fois son pouvoir de réaliser des travaux dans un immeuble et de remettre la facture au propriétaire. Trop peu au goût des groupes de locataires.

L'intervention la plus importante menée à ce jour a eu lieu au Domaine Renaissance, dans Saint-Léonard. Comme le propriétaire tardait à éradiquer une infestation de blattes touchant plusieurs des 330 logements du complexe, la Ville a forcé une importante opération d'extermination. Montréal a ensuite envoyé une facture de tout près de 50 000$ au propriétaire, une société à numéro enregistrée à Halifax et dont les dirigeants habitent à New York et en Israël.

Le coup de balai de la Ville n'a toutefois pas mis un terme aux problèmes des locataires puisque le Domaine Renaissance a encore fait les manchettes, en janvier dernier, en raison de nouveaux problèmes de blattes et de moisissures.

Les trois autres interventions menées de force à ce jour ont toutefois été beaucoup plus modestes. En décembre 2009, Montréal a envoyé une facture de 8700$ au propriétaire d'un immeuble de la rue Vézina pour la réparation du système de chauffage. Ces travaux ont été bien loin de régler l'ensemble des problèmes puisque, depuis, les Habitations populaires de Parc-Extension, qui ont racheté la propriété, ont investi plus de 4 millions pour remettre en état les quelque 70 logements.

Même scénario dans un autre immeuble du chemin de la Côte-des-Neiges, où Montréal a fait faire pour 4815$ de travaux. L'ancien propriétaire conteste la facture devant les tribunaux. La cause sera entendue à l'automne. Enfin, en janvier 2010, la Ville a fait barricader des bâtiments abandonnés, rue Jarry, une facture d'un peu plus de 1000$.

«Capitale des taudis»

Ces quatre interventions de force en cinq ans sont loin d'être suffisantes, estime France Émond, du Regroupement des comités logement et associations de locataires. Après tout, Montréal détient le triste titre de capitale québécoise des taudis : des 1638 plaintes pour insalubrité acheminées à la Régie du logement depuis 5 ans, 1057 concernaient des logements montréalais (soit les deux tiers). Pourtant, Montréal n'abrite pourtant qu'un peu plus du tiers du parc locatif du Québec (487 600 des 1,3 million de logements).

Inspections, amendes, pouvoir de réaliser des travaux dans un immeuble délabré: sur papier, Montréal a pourtant tout en main pour forcer les propriétaires à mieux entretenir leurs immeubles, estime France Émond. «La Ville s'est dotée d'un superbe coffre à outils pour lutter contre l'insalubrité, mais elle ne l'utilise pas.»

Montréal soutient pour sa part avoir inspecté 12 000 logements et distribué plus d'un demi-million de dollars d'amendes depuis 5 ans. France Émond estime que la Ville se montre toutefois moins mordante quand vient le temps de mettre au pas d'importants propriétaires immobiliers. «On dit toujours qu'on veut leur donner une chance de faire les travaux. Mais quand notre voiture est mal garée, est-ce qu'on nous donne 30 jours pour la déplacer?»