La Ville de Montréal retirera tous les mandats confiés à l'avocat Jacques Audette, inculpé pour fraude et abus de confiance, a annoncé le vice-président du comité exécutif, Richard Deschamps.

M. Audette a notamment été embauché par Montréal depuis 2008 pour les négociations avec les policiers et les pompiers. Il n'est pas clair si l'avocat travaille toujours sur des mandats confiés par la Ville. «Présentement, il n'a plus de mandat auprès du Service du capital humain depuis quelques mois ou un an, a déclaré M. Deschamps en conférence de presse. Nous allons continuer à faire des vérifications pour savoir s'il en a encore, ou pas. Nos services juridiques ont recommandé, et nous comptons suivre cette recommandation, de rapatrier tous les mandats qui lui auraient été confiés.»

Jacques Audette, 59 ans, est un avocat réputé dans le domaine des relations de travail. Il est une des quinze personnes arrêtées mardi par l'Unité permanente anticorruption et fait face à six chefs d'accusation liés à des «commissions ou récompenses» au profit du maire de Mascouche, Richard Marcotte.

À la Fraternité des policiers de Montréal, où on l'a côtoyé lors des dernières négociations, le porte-parole Martin Desrochers a été laconique: «On est surpris».

Le ménage depuis 2009

La Ville de Montréal, a assuré Richard Deschamps, collabore entièrement avec l'UPAC. «Leurs enquêteurs ont pu rencontrer toutes les personnes qu'ils souhaitaient rencontrer au sein de la Ville. Le Service du contrôleur général a des contacts avec des policiers de la Sûreté du Québec sur certains dossiers. Nous avons adopté deux résolutions au conseil municipal demandant à Québec de faire la lumière sur la collusion et la corruption.»

Depuis 2009, alors que le maire Gérald Tremblay a été réélu sur l'engagement de «faire le ménage», les règles d'octroi des contrats ont été considérablement resserrées, a précisé l'élu. Toute entreprise dont les dirigeants ont été condamnés pour fraude ou collusion se voit notamment exclue d'office du processus d'appel d'offres pour cinq ans. Les contrats ont été fractionnés pour permettre une meilleure concurrence, engendrant une chute des prix évaluée à plus de 30% la première année.

«Nous avons les règles les plus sévères au Québec. Notre administration est déterminée à combattre toutes les formes de corruption ou de collusion, et nous avons posé tous les gestes nécessaires pour y arriver.»

La Ville de Montréal continue pourtant d'octroyer d'importants contrats à des firmes appartenant à Tony Accurso, qui a été reconnu coupable de fraude fiscale et dont deux entreprises ont vu leur licence restreinte par la Régie du bâtiment du Québec.

C'est par l'intermédiaire d'une autre entreprise, Louisbourg SBC, dont la licence n'est pas affectée, que l'empire Accurso obtient maintenant la plupart de ses contrats publics. «Nous vivons dans une société de droit, s'est défendu M. Deschamps. Les restrictions de la Régie, c'est par rapport au numéro de la licence. Nous, comme institution, c'est dans ce cadre-là que nous fonctionnons. Nous avons exercé la vigile que nous avions à faire.»

Si Tony Accurso était déclaré coupable des plus récents chefs d'accusation portés contre lui, «on verra quels gestes seront à poser dans l'intérêt public. Attendons de voir comment les éléments vont se développer.»

«L'influence de l'argent»

Le conseiller Alex Norris, du parti de l'opposition Projet Montréal, estime que les mesures mises en place par l'administration Tremblay sont «inadéquates». «Elles n'ont pas empêché un petit groupe d'entrepreneurs de mettre la main sur une forte proportion des contrats», dénonce-t-il.

Il a rappelé les liens troubles de Tony Accurso avec l'ex-président du comité exécutif et membre de l'équipe Tremblay Frank Zampino. Il a décoché une autre flèche vers le parti de Louise Harel, Vision Montréal, dont le numéro deux Benoit Labonté a été contraint de démissionner après avoir reconnu avoir reçu une centaine de milliers de dollars de M. Accurso.

«La morale, c'est qu'il faut réduire l'influence de l'argent au sein de la politique municipale. Nous, on est le seul parti municipal qui ne fait pas de cocktails de financement à 1000$ la tête.»

Par communiqué, le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a enjoint la Ville à refuser d'octroyer tout nouveau contrat à Tony Accurso. «Je trouve qu'on tourne trop autour du pot. L'homme par qui le scandale est venu, le scandale des compteurs d'eau, s'appelle Tony Accurso.»

Poser un tel geste serait «irresponsable», a répliqué la porte-parole du comité exécutif, Martine Painchaud. «Si on exclut une entreprise sans qu'elle soit condamnée, on s'expose à des poursuites. La loi nous oblige à accorder des contrats au plus bas soumissionnaire.»

Du côté de Vision Montréal, Réal Ménard s'est dit «très inquiet» de la concentration du marché des contrats publics. Il estime en outre que la nomination en mars 2010 d'un poste de conseiller à l'éthique à Montréal est insuffisante. «C'est un commissaire à l'éthique qu'il faut.»