La chasse aux terrains de stationnement illégaux, accusés de «briser le tissu urbain» et d'enlaidir le centre-ville, a été bonne à Montréal. Depuis 2007, la Ville a réussi à convertir ou à faire fermer 19 de la trentaine qui ont été répertoriés. Elle a de plus obtenu gain de cause cinq fois devant les tribunaux depuis trois ans, selon une compilation de La Presse.

La dernière victoire en date, remportée le 23 mars dernier contre l'Auberge Le Pomerol, a même permis d'obtenir la fermeture d'un terrain de stationnement exploité depuis 1973.

Cette fiche quasi parfaite de la Ville devant les tribunaux est un coup de pouce inestimable pour sa guerre contre les stationnements extérieurs commerciaux illégaux. Depuis une vingtaine d'années, l'administration municipale tente en effet de fermer ou de convertir ces stationnements, qui pullulent au centre-ville. Trois documents officiels - le Plan d'urbanisme, en 2004, le Plan stratégique de développement durable, en 2007, puis le Plan de transport en 2008 - ont rendu cette politique plus efficace.

Plus précisément, c'est depuis 2007 que l'arrondissement de Ville-Marie se montre intraitable et envoie des constats d'infraction à répétition. Dans bien des cas, les exploitants ont accepté de transformer leur stationnement en immeuble avant de se rendre en cour, se réjouit Marc Labelle, directeur de l'aménagement urbain à l'arrondissement. «On est fiers du résultat. Ce ne sont pas des paroles en l'air: la Ville y croit. On est tellement contents, d'autant plus que le climat économique est favorable.»

En alternant menaces de poursuite et négociations, «on a bon espoir d'avoir raison des stationnements illégaux restants», dit M. Labelle. Il précise que cette campagne ne concerne pas la centaine de terrains de stationnement légaux au centre-ville. «Ils sont conformes au zonage et profitent d'un droit acquis.» Plus question cependant d'accorder de nouveaux permis de ce type, assure la porte-parole de l'arrondissement, Anne-Sophie Harois. «Les stationnements, on les veut souterrains.»

La Cour d'appel, qui a annulé la semaine dernière une décision de la Cour supérieure rendue à l'automne 2009, a notamment rejeté la notion de «droit acquis» dont pourraient profiter les propriétaires de L'Auberge Le Pomerol, à l'angle du boulevard De Maisonneuve et de la rue Saint-Hubert. Depuis près de quatre décennies, le terrain à l'arrière de l'auberge était exploité comme stationnement payant, mais les permis à cet effet semblent contradictoires. Depuis 2004, l'arrondissement de Ville-Marie a cessé de délivrer les autorisations pour cette utilisation et a multiplié les constats d'infraction à partir de 2007. Fait important, la Cour d'appel a reconnu à l'administration municipale le droit de «préserver ses choix futurs d'aménagement» et de transformer un stationnement pour «des usages plus productifs au plan économique ou social».

Pas de concurrence déloyale

C'est précisément ce que tente de faire l'arrondissement de Ville-Marie, qui a produit en novembre dernier un document révisant ses priorités en matière d'urbanisme, le Cadre de révision des hauteurs et densités du centre-ville. On y lit que «les stationnements à ciel ouvert ont pour effet de briser le tissu urbain et d'enlaidir le centre d'une ville.» Ces terrains «nuisent à son dynamisme, dégradent le paysage, diminuent l'animation sur la rue» et encouragent les travailleurs et les étudiants à se déplacer en voiture. Le document devrait être adopté ce printemps par les élus de l'arrondissement.

«Un des objectifs du cadre, c'est d'éliminer ces îlots de chaleur au centre-ville», ajoute M. Labelle.

Le 6 février dernier, Montréal avait remporté une victoire semblable contre les exploitants d'un terrain de stationnement près du 2050, boulevard Saint-Laurent, entre les rues Ontario et Sherbrooke. La Cour supérieure avait ordonné l'arrêt de l'exploitation commerciale en attente d'un projet de construction, qui pourrait être déposé d'ici septembre 2013.

En juin 2011, en Cour supérieure, la Ville a aussi eu raison d'un stationnement d'une superficie de près de 9000 m2, à l'angle des rues Saint-Jacques et Peel. Les entreprises Cadillac Fairview et Stationnement Idéal avaient notamment plaidé la «concurrence déloyale» de Stationnement de Montréal, qui exploite deux terrains de stationnement à proximité du Centre Bell. Elles ont également tenté d'établir le caractère «déraisonnable» de l'interdiction des stationnements extérieurs. La Cour a donné raison à la Ville sur toute la ligne.