Malgré la réprobation des municipalités de la grande région de Montréal, l'Agence métropolitaine de transport (AMT) a renfloué son déficit d'exploitation de 18 millions en pigeant dans son fonds d'immobilisation, théoriquement réservé aux projets de transports collectifs.

L'utilisation de ce bas de laine pour renflouer un déficit d'exploitation est du jamais vu, selon les sources jointes par La Presse. Ce fonds d'immobilisation, qui a un confortable surplus accumulé de 233 millions, a notamment été constitué par les contributions des 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Celles-ci y verseront plus de 39 millions en 2012, dont 21 proviennent de Montréal.

«C'est complètement inacceptable que Québec ait permis à l'AMT de faire ça, s'emporte Michael Applebaum, président du comité exécutif de la Ville de Montréal. Ça ne respecte pas les normes comptables, ce n'est pas de la bonne gestion. On utilise la carte de crédit pour éponger les déficits.»

L'opération a été annoncée par l'AMT dans son budget 2012 présenté l'automne dernier. Pour combler les déficits de 2009 et 2010, qui se sont établis à 10 et 8 millions, on y a précisé que l'agence était «en démarche» auprès de Québec pour obtenir l'autorisation d'effectuer le transfert.

Le 14 décembre, Québec a finalement autorisé par décret le transfert d'une somme de 19,4 millions «à d'autres fins que celles pour lesquelles le fonds a été constitué». Le décret a été publié le 12 janvier dernier dans la Gazette officielle.

Imbroglio sur les appuis

À l'AMT, on précise que cette somme provient plutôt des «revenus des immobilisations», par exemple la location d'espaces commerciaux dans les terminus et les gares. «Les sommes que les villes nous ont versées ne sont pas touchées», affirme la porte-parole Brigitte Léonard.

Dans ses états financiers pour 2010, l'AMT précise en effet que les contributions des municipalités ne représentent qu'un tiers des revenus du fonds d'immobilisation, qui sont de 102 millions.

L'essentiel des revenus, soit 46 millions, provient des intérêts. Les revenus commerciaux, cette année-là, ont rapporté 3,8 millions.

Selon les documents de l'AMT, le fonds d'immobilisation sert à payer «la partie des investissements non subventionnée par le ministère des Transports du Québec». Celui-ci assume le financement des projets à hauteur de 75%.

Selon Mme Léonard, la CMM aurait bel et bien appuyé cette utilisation du fonds d'immobilisation. Elle a transmis à La Presse une résolution de la CMM datant de 2008 qui désapprouve le budget de l'AMT, mais propose un cadre financier différent. La même résolution a été adoptée chaque année depuis, la dernière en date ayant été votée le 8 décembre dernier.

Dans un tableau en annexe, on lit effectivement que la CMM proposait, pour boucler le budget, d'utiliser les «revenus commerciaux transférés du PTI au budget d'exploitation 2009», soit une somme de 2,7 millions.

Ce prétendu appui a fait bondir tant la CMM que l'hôtel de ville de Montréal. Jamais les élus n'ont approuvé l'utilisation du fonds d'immobilisation pour payer le déficit d'exploitation, répète-t-on. L'utilisation d'une résolution trois ans après son adoption est également dénoncée. «C'est pour cette raison que les membres de la CMM ont voté contre le budget de l'AMT, explique Michael Applebaum. C'est une autre raison pour laquelle les municipalités devraient avoir la mainmise sur la gestion de l'AMT et son financement. C'est clair que ça ne marche pas.»

Même son de cloche du côté de Laval, où l'attaché de presse du maire Gilles Vaillancourt, Pierre Desjardins, qualifie d'«inacceptable» le dernier budget de l'AMT. «Que le gouvernement du Québec ait accepté le transfert fait partie de ses prérogatives. On espère seulement que cet argent-là va servir à financer des projets.»