Sur la sellette en raison d'un nouveau rapport sur la judiciarisation des sans-abri, la police justifie la remise de milliers de contraventions aux sans-abri par l'obligation de répondre aux nombreuses plaintes de citoyens et commerçants. Les policiers affirment aussi avoir à gérer une clientèle de plus en plus lourde et désorganisée.

Réalisé par deux professeurs d'université, ce rapport sur la judiciarisation des personnes itinérantes démontre que les sans-abri montréalais croulent sous les contraventions. Ils ont notamment reçu 25% des constats pour des entraves à des règlements municipaux donnés en 2010. L'étude révèle aussi que les sans-abri ont reçu au moins six fois plus de constats d'infraction en 2010 qu'en 1994.

«Il y a de plus en plus de sans-abri, donc plus d'interventions», nuance le coordonnateur du dossier itinérance au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Marc Riopel, qui ne réfute pas les chiffres dévoilés dans le rapport.

Le policier assure que les contraventions constituent un dernier recours. «Mais on a une pression de la part des citoyens et des commerçants. On n'a parfois pas le choix», plaide M. Riopel.

Les résultats du rapport contrastent avec les récents efforts annoncés par les autorités pour diminuer la répression chez les sans-abri. Les auteurs de l'étude se montrent aussi très critiques à l'endroit de l'Équipe multidisciplinaire en référence et intervention auprès des sans-abri (EMRII).

Cette petite escouade policière, composée de quelques policiers et travailleurs sociaux, a été créée pour prendre en charge les cas extrêmes. Marc Riopel défend bec et ongles cette équipe spécialisée. «L'EMRII est un succès, tout le monde le reconnaît. Ses membres doivent gérer des dossiers extrêmement complexes liés à la polytoxicomanie. On ne parle plus du robineux qui cuve son vin», résume Marc Riopel.

Il ajoute qu'environ 2000 sans-abri sur l'ensemble de leur population (environ 60 000, a estimé la Commission des droits de la personne et de la jeunesse en 2009) se partagent la totalité des contraventions, dont 150 accumulent environ la moitié des constats.

Réaction du maire

Le maire Gérald Tremblay a tenté de minimiser la portée de l'étude, qu'il a décrite comme étant «strictement une analyse de statistiques qui ne prennent pas en considération tous les efforts qui sont faits pour améliorer les conditions de l'itinérance».

Selon lui, les auteurs auraient dû éliminer les contraventions données à répétition aux mêmes sans-abri, «des cas lourds».

Il a toutefois défendu la répression de certains comportements, expliquant qu'«il ne peut y avoir deux classes de citoyens». «Si on n'a pas le droit de fumer dans le métro, on n'a pas le droit de fumer dans le métro. Si on n'a pas le droit d'avoir de l'alcool dans le métro, on n'a pas le droit. Ça s'applique à l'ensemble des Montréalais.»

Le maire a cependant renvoyé la balle à Québec, estimant que le problème des sans-abri relève d'abord du réseau de la santé. «Les sans-abri qui souffrent de problèmes de santé mentale devraient être pris en charge par le système de santé au lieu d'être laissés à eux-mêmes. Il y a des limites à ce qu'une ville peut faire. Montréal ne peut régler à elle seule le phénomène de l'itinérance, se substituer au réseau de santé et au gouvernement du Québec.»

Il a promis une réponse «plus détaillée» dans les prochains jours, après que le Service de police de la Ville de Montréal aura analysé les données du rapport.