Léopold Lizotte, chroniqueur judiciaire à La Presse pendant 40 ans, est mort le 6 janvier à l'âge de 90 ans.

Lorsqu'il a pris sa retraite, en 1985, il a laissé aux archives de La Presse des milliers de textes qui racontent la justice à Montréal.

Les plus vieux se souviennent encore de l'avoir vu déambuler en pantoufles dans les trois palais de justice où il a travaillé, dont il connaissait les moindres recoins et dont il était le patron - on ne le voyait jamais à La Presse.

Lui qui avait vu le futur juge en chef du Canada, Antonio Lamer, en culottes courtes (son père était procureur de la Ville) et connu tous les juges à leurs débuts comme avocat n'était intimidé ni impressionné par personne.

«Hey, Boilard, viens ici!», a-t-on pu l'entendre crier dans la salle des pas perdus, un beau midi, pour poser quelques questions au juge qui est encore le plus redouté des avocats.

Et les juges obéissaient à ses injonctions sans mot dire.

En pleine salle d'audience, alors qu'un magistrat marmonnait le jugement qu'il était en train de rendre, le journaliste à la retraite André Cédilot se souvient d'avoir entendu Lizotte dire: «Plus fort, on n'entend pas!» Une fois, deux fois... Sans succès. «La troisième fois, il a crié: PLUS FORT!», raconte Cédilot. Le juge, secoué, s'est aussi conformé à sa demande.

«Il a été, pour moi et pour toute une génération, un vrai mentor», dit Cédilot, qui a pris sa retraite de La Presse l'an dernier.

«Il nous a tout montré, au palais. Si je l'appelais pour lui poser une question, il pouvait m'écrire mon texte au téléphone en cinq minutes. Il faisait régulièrement cinq, six, huit textes dans une journée.»

M. Lizotte était le chef de la salle de presse et distribuait les affectations aux journalistes des différents médias, qui devaient se partager les fruits de leur couverture à la fin de la journée. Les lecteurs plus âgés se souviennent de sa plume fine, de son sens de l'humour et de son esprit caustique.

«Il m'a appris le métier. C'est lui qui a transformé le reportage judiciaire, pour le différencier du reportage de faits divers», dit Rodolphe Morissette, retraité du Journal de Montréal et auteur de La presse et les tribunaux: un mariage de raison.

«Il avait des idées sociales avancées pour l'époque, lui qui a commencé dans les années 40, ajoute-t-il. Il avait un sens de la justice, au fond: il savait d'instinct si la réponse d'un juge était juste. Il n'a jamais cherché à se faire des amis dans le milieu.»

Il n'en avait pas moins gagné le respect général, au point où l'avocat Gabriel Lapointe a réuni 300 personnes dans une salle de spectacle le jour de son départ à la retraite.

Il laisse notamment dans le deuil sa fille, Monique. Une cérémonie aura lieu au 8989, rue Hochelaga, demain à 19h.