Le plus haut fonctionnaire à la Ville de Montréal, Louis Roquet, a démissionné lundi matin de son poste de directeur général. À trois ans de la fin de son contrat, il aurait décidé de partir en raison de tensions croissantes avec le nouveau président du comité exécutif, Michael Applebaum, selon nos sources à l'hôtel de ville.

Le maire, Gérald Tremblay, a confirmé lundi le départ, en janvier, de Louis Roquet après deux ans d'un contrat qui devait s'étendre jusqu'en décembre 2014. L'élu a préféré rester discret sur les motifs de ce départ, se bornant à parler de «raisons personnelles». Il a tout de même précisé que l'homme de 71 ans, qui touchait un salaire annuel de 345 000$ incluant une compensation forfaitaire pour son régime de retraite, ne recevra aucune indemnité de départ puisqu'il part de son propre chef.

Une source bien placée a toutefois expliqué cette décision soudaine par une mésentente avec le nouveau président du comité exécutif, en poste depuis avril dernier. «C'est en lien direct avec son boss [Michael Applebaum]: il n'était plus capable de travailler avec lui. Il n'y a pas eu d'accrochage sur un dossier particulier, c'était un état d'esprit général. Il était tanné.»

La chef de l'opposition, Louise Harel, a d'ailleurs fait état d'«une rumeur récente au sein de l'administration sur un affrontement persistant entre le président du comité exécutif et le directeur général». En point de presse, Gérald Tremblay a reconnu que le directeur général et son président du comité exécutif avaient eu des «discussions mouvementées» lors de la préparation du dernier budget, mais a assuré que celles-ci n'avaient aucun lien avec la démission de Louis Roquet. Nos demandes d'entrevues avec Michael Applebaum ont été refusées.

Nouvel intérim, même remplaçante

Louis Roquet quittera officiellement son poste le 5 janvier, soit au retour des vacances des Fêtes. D'ici l'embauche de son successeur, l'intérim sera de nouveau assuré par la directrice générale associée, Rachel Laperrière. Celle-ci avait pris la relève en septembre 2009 à la suite du congédiement de l'ex-directeur général, Claude Léger, dans la foulée du scandale des compteurs d'eau.

Vendredi dernier, pour la première fois depuis qu'il est en poste, M. Roquet avait envoyé un message téléphonique à tous les employés de la Ville. Dans cette brève déclaration d'une trentaine de secondes, dont La Presse a pu prendre connaissance, il félicitait sobrement les fonctionnaires. «Je tiens à vous remercier personnellement pour ce que nous avons accompli ensemble cette année, déclarait-il. Le temps est maintenant venu de célébrer en famille et de vous reposer.» Jamais il n'est fait mention de son départ, pas plus que de son retour après les Fêtes.

Louis Roquet a refusé toute demande d'entrevue. Dans les seuls commentaires publiés lundi dans un communiqué de la Ville, celui-ci a tenu «à remercier le maire pour ces deux années de collaboration et de travail acharné pour faire avancer la métropole du Québec».

Malgré toute la confiance qu'il dit avoir en Louis Roquet, Gérald Tremblay a reconnu ne pas avoir tenté de le retenir. «À partir du moment où quelqu'un décide de partir pour des raisons personnelles, je respecte ça.» Le maire a tenu à le remercier pour son travail.

Projet Montréal a pour sa part dressé un sombre bilan de son passage à la Ville, estimant que celui-ci avait trois taches importantes à son dossier. Richard Bergeron lui reproche notamment d'avoir transmis à TELUS une partie d'un rapport du vérificateur général de la Ville qui touchait l'entreprise, d'avoir «protégé Pierre Reid durant tout l'épisode de l'espionnage» et d'avoir rapatrié la ligne éthique au sein du bureau du contrôleur général.

«Je constate que les directeurs généraux de la Ville de Montréal durent moins longtemps que les entraîneurs du Canadien de Montréal», a ironisé Richard Bergeron. Celui-ci estime que cette démission jette la Ville de Montréal dans «l'embarras». «Le futur directeur général ne pourra pas être choisi avant mai. Qui accepterait un mandat dans ce contexte? Ça nous prend un Patrick Roy, mais quel Patrick Roy accepterait de prendre cette fonction sachant qu'on tombe en élections à partir du printemps 2013 et qu'il y aura, je le souhaite, un changement d'administration?», a-t-il lancé, en traçant un parallèle avec le récent congédiement de l'entraîneur-chef du Canadien.

La présidente du syndicat des cols blancs, Monique Côté, a déploré le départ précipité du directeur général. «On est très déçus, mais pas surpris. Il y a une telle succession de démissions et de congédiements dans cette ville, que j'en viens à me demander si c'est un mandat qui est au-delà de la capacité d'un grand gestionnaire comme Louis Roquet.»

Les rumeurs sur son départ circulaient depuis plusieurs mois, certaines sources l'envoyant travailler en Algérie. Peu avant d'être nommé directeur général de Montréal, Louis Roquet avait été nommé au conseil d'administration de Cevital, importante société agroalimentaire algérienne comptant 12 500 employés.