Alors que Marjorie Raymond, cette adolescente qui s'est enlevé la vie cette semaine en Gaspésie, était portée à son dernier repos, environ 200 personnes ont marché à Montréal samedi après-midi pour dénoncer l'intimidation chez les jeunes.

Prévu depuis août dernier, l'événement revêtait une signification particulière pour les participants. «On dédie cette marche à Marjorie», a déclaré le jeune Maxime Collard, qui a organisé cet événement avec sa mère, Isabelle Marchand. Après être apparu dans les médias il y a quelques mois pour dénoncer l'intimidation dont il était victime, ses intimidateurs sont allés jusqu'à lui lancer des roches. L'adolescent de 13 ans admet avoir pensé au suicide. «Ce que j'ai vécu, c'est pire que pire, dit-il. Pendant un mois, j'y pensais et j'étais prêt à passer à l'acte. J'avais tout planifié. Quand m'a mère a vu ça (il l'avait écrit sur sa page Facebook), elle m'a dit de ne pas le faire. Que ça ne donne rien de faire ça.» Aujourd'hui, il a changé d'école. L'intimidation a cessé. Mais, il continue son combat pour que de tels actes cessent dans les écoles.

Sa mère, Isabelle Marchand, demande que des actions concrètes soient posées à l'intérieur des établissements scolaires. «L'important c'est que le monde, oui en parle pour trouver des solutions, mais agisse aussi, réclame-t-elle. Il ne faut pas attendre que d'autres s'enlèvent la vie. Il ne faut pas qu'il y ait encore plein d'enfances détruites.» Mme Marchand souhaite organiser en janvier prochain une rencontre avec des intervenants des milieux scolaire et policier. Elle invite la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, à se joindre à eux.

Présente à la marche, la mère de David Fortin, un adolescent d'Alma disparu depuis 2009, interpelle elle aussi le gouvernement. «Ce qu'on a entendu à propos de Marjorie, c'est tout à fait ce que David vivait, observe-t-elle. On s'aperçoit que même s'il y a des mesures qui ont été mises en place dans les écoles, ça n'a pas changé. Il faut que le gouvernement redonne aux directions d'école l'autorité pour venir à bout de tous ces jeunes qui agressent nos enfants. Et aussi d'aider ces jeunes agresseurs à voir pourquoi ils agressent nos enfants.»

Si la situation de l'intimidation à l'école n'est pas récente, elle a été amplifiée par l'arrivée des réseaux sociaux, note Anne Lagacé Dowson qui oeuvre auprès de la Fondation de la tolérance. «Autrefois, un jeune qui se faisait harceler à l'école rentrait à la maison et avait un répit, remarque-t-elle. Là, tout ce qu'il a à faire c'est d'ouvrir sa page Facebook et ça continue. C'est une nouvelle forme d'intimidation.»

Élève de cinquième secondaire qui a été victime d'intimidation, Sabrina Lefebvre constate qu'il est parfois difficile de trouver de l'aide. Affectée par les actes dont elle a été victime, Sabrina a redoublé une année scolaire. «J'ai été intimidée au point de me faire lancer des choses, raconte-t-elle. Je me suis pointée à la direction (de l'école) et elle n'a voulu rien faire en disant que je n'avais pas assez de preuves. Mais tu ne peux pas filmer ton agresseur pendant qu'il agresse. Tu ne peux pas avoir de preuves à part les gens qui gardent le silence.»

Dernier adieu à Marjorie

Pendant ce temps, à Granby, ville natale de Marjorie Raymond, les cendres de l'adolescente étaient mises en terre aux côtés de son arrière-grand-père. Sa mère, Chantal Larose, s'est dite sûre de voir les choses changer. «Ça ne peut pas rester comme cela avec le geste que ma fille a posé, a fait valoir Mme Larose. À savoir comment ça va changer, ce n'est pas vraiment à moi seule de faire quelque chose. C'est un ensemble. Tout le monde doit mettre la main à la pâte. En espérant que tout s'en aille dans la bonne direction». Une cinquantaine de proches ont pris part à la cérémonie privée.

Le comédien Jasmin Roy, qui a mis sur pied une fondation pour lutter contre l'intimidation en milieu scolaire, était lui aussi présent. Selon lui, la mobilisation des jeunes et du gouvernement est nécessaire pour éviter qu'un tel drame se répète. «Au Québec, nous avons assez de sous dans la machine de l'éducation, mais ils sont mal placés, a-t-il déploré. Je pense que si on place l'argent convenablement et que l'on donne plus de pouvoirs sur le terrain et plus de ressources dans nos écoles, et peut-être dans l'administration, on va y arriver. On manque de ressources, on manque de gens. Arrêtez d'afficher des «posters» et mettez des personnes dans les écoles».

- Avec La Voix de l'Est