Alors que la région de Montréal connaît des problèmes de congestion sans précédent, un entrepreneur se lance dans la mêlée avec un projet de lien routier pour relier la Rive-Sud au centre-ville.

Luc Poirier, surtout connu dans le secteur immobilier, a proposé mercredi de construire, en deux ans à peine, un tunnel à péage entre la route 132 à Saint-Lambert et l'île Notre-Dame.

Le lien permettrait d'accéder au centre-ville par le pont de la Concorde, l'avenue Pierre-Dupuy et l'autoroute Bonaventure. Il serait financé entièrement par des capitaux privés.

Le tunnel passerait sous la route 132, la Voie maritime du Saint-Laurent, le bassin olympique et une partie de l'île Notre-Dame pour aboutir près du Casino de Montréal. Sa longueur serait d'un peu plus d'un kilomètre.

En conférence de presse, M. Poirier a estimé que le projet coûterait «des centaines de millions» de dollars. Il a toutefois refusé de donner une évaluation plus précise afin de ne pas influencer les soumissions des entrepreneurs qui participeraient à un éventuel appel d'offres.

«J'arrive avec un projet qui est rassembleur, qui est gagnant-gagnant pour tout le monde puisque je peux le faire rapidement sans aucuns fonds publics», a-t-il déclaré.

Pour préparer son projet, le promoteur n'a d'ailleurs pas consulté les autorités publiques, que ce soit le ministère des Transport, la Corporation de gestion de la Voie maritime, la Ville de Saint-Lambert ou la Ville de Montréal.

Les deux administrations municipales concernées ont indiqué mercredi qu'elles voulaient en savoir davantage sur l'initiative avant de la commenter.

À l'appui de son projet, Luc Poirier a rendu publiques deux études de la firme d'ingénierie Dessau concluant à sa faisabilité technique.

Selon les projections de Dessau, environ 12 500 automobilistes par jour utiliseraient un éventuel tunnel pendant sa première année d'exploitation et 25 000 à la troisième année.

M. Poirier prévoit que pour emprunter le tunnel, il en coûterait à peu près le même prix que pour le nouveau pont de l'autoroute 25, qui relie Laval à Montréal. Les tarifs de ce dernier oscillent entre 1,80 $ et 2,40 $ par passage, ce à quoi il faut ajouter des frais d'administration de 3 $ à 5 $ pour les véhicules ne possédant pas de transpondeur.

Les autobus scolaires et urbains emprunteraient gratuitement le tunnel. Ce dernier comprendrait également une piste cyclable qui raccourcirait de plus de trois kilomètres le parcours entre les deux rives à partir du centre-ville.

Luc Poirier a révélé mercredi que «deux gros fonds québécois», qu'il n'a pas voulu nommer, sont prêts à se lancer dans l'aventure avec lui. Il a même avancé que sans leur appui, il pourrait financer à lui seul une mise de fonds s'élevant à 15 ou 20 pour cent de la valeur totale du projet.

L'homme d'affaires s'est défendu de vouloir accroître le nombre de voitures qui entrent chaque jour dans l'île de Montréal, soutenant qu'il veut simplement alléger la congestion existante, laquelle risque de croître substantiellement au cours des prochaines années en raison des nombreux travaux routiers prévus dans la région métropolitaine.

«Ce ne sont pas de nouveaux automobilistes, c'est vraiment un déplacement, a-t-il expliqué. Je désengorge les autres ponts pour améliorer la fluidité entre les deux rives.»

M. Poirier a souligné au passage qu'à la différence du trajet Montréal-Laval, aucun nouveau lien routier n'a été construit avec la Rive-Sud depuis 1967.

Deux projets de tunnel, dont un très semblable à celui dévoilé mercredi, avaient été présentés en 2002 devant la Commission de consultation sur l'amélioration de la mobilité entre Montréal et la Rive-Sud, présidée par l'ingénieur Roger Nicolet. Ils sont restés sans suite.

«À l'époque, on n'avait pas les problèmes de congestion qu'on a aujourd'hui», a fait remarquer Luc Poirier.

Aucune étude de rentabilité du projet n'a été présentée mercredi. Dans son étude de préfaisabilité technique, Dessau note que le tunnel ne pourra pas voir le jour avant la conclusion de «plusieurs ententes (...) entre Investissement Luc Poirier et les différents intervenants».