«Incestueux», «troublant», «inacceptable». C'est en ces termes que l'opposition à Montréal a décrit un contrat de 1,4 million pour la réfection d'une station de pompage qui ramène en scène «deux des principaux acteurs du scandale des compteurs d'eau»: l'ex-directeur général Claude Léger et l'entrepreneur Tony Accurso.

C'est le conseiller municipal Alex Norris, de Projet Montréal, qui a attaché le grelot lundi soir dans ce dossier. Une firme appartenant à M. Accurso, Gastier M.P., a remporté le contrat alors qu'elle était la seule en lice, avec une soumission de 31% plus élevée que l'évaluation obtenue par la Ville. Celle-ci a alors commandé une deuxième évaluation, celle de la firme de gestion de projets Macogep, qui s'est avérée plus élevée.

L'un des directeurs de cette firme est Claude Léger, qui a perdu son poste de directeur général de la Ville en 2009 dans la foulée du scandale des compteurs d'eau.

Macogep compte aujour-d'hui Montréal parmi ses principaux clients. Elle s'occupe notamment du réaménagement de l'autoroute Bonaventure, un contrat de

80 millions.

En entrevue téléphonique, M. Léger a assuré qu'il ne touchait pas aux contrats concernant la Ville de Montréal, une des conditions de son association avec Macogep. «Je voulais garder une certaine réserve par rapport à ça. Quant à la station de pompage, vous m'apprenez même qu'on a fait ce contrat pour la Ville de Montréal.»

Il a décrit son entreprise comme «une firme parfaitement indépendante, qui ne travaille que pour les donneurs d'ouvrage. Elle n'a aucun lien avec les entrepreneurs ou les ingénieurs-conseils, n'accepte pas de travailler en sous-traitance ou en partenariat avec les ingénieurs ou les entrepreneurs.»

Pour le conseiller Norris, les faits sont cependant troublants, voire «incestueux». «Ce qu'on voit, c'est qu'une entreprise dirigée par l'un des acteurs du scandale des compteurs d'eau vient justifier l'attribution d'un contrat de la Ville de Montréal à une entreprise que possède un autre acteur important du scandale des compteurs d'eau», a-t-il résumé.

Le responsable du développement économique au comité exécutif de la Ville, Richard Deschamps, a reconnu que les doutes soulevés étaient légitimes. «Je dois vous dire que j'ai eu les mêmes questionnements lorsque j'ai vu le dossier arriver. On a vérifié au niveau du contentieux et du contrôleur général. Il n'y a pas de raison de ne pas aller de l'avant.»

Deuxième estimation

La première estimation commandée par la Ville auprès de la firme Pageau-Morel était de 1,082 million. Or, Gastier M.P. a déposé en mai 2011 une soumission de 1,4 million, supérieure de plus d'un tiers à l'estimation. Au lieu de faire un nouvel appel d'offres, la Ville a plutôt demandé une deuxième estimation à Macogep, qui s'est établie cette fois à

1,352 million.

«Si on a donné cette estimation-là, c'est que nos gens qui ont fait ça pensent que c'est vraiment ce que ça représente comme coûts», assure Claude Léger.

La station de pompage Rhéaume, précise-t-on dans les documents de la Ville, a été construite dans les années 50 et ses équipements sont désuets et peu fiables. La préparation d'un second appel d'offres aurait occasionné un retard d'un an. «Là, on a un dilemme, a expliqué M. Deschamps. Est-ce qu'on prend le risque de pénaliser une population pour un contrat de 1,4 million? Je ne voyais pas, après vérification, pourquoi nous retournerions en appel d'offres.»

Le contrat a finalement été approuvé par la majorité du conseil municipal, lundi en fin de soirée.