Dix ans plus tard, la «marraine» des fusions forcées, Louise Harel, veut redresser la barre à Montréal. Selon la chef de l'opposition, la Ville compte trop d'élus et l'impôt foncier est trop élevé. En vue des élections de 2013, la politicienne à la voix douce sort les gants de boxe; les Montréalais auront le choix entre le statu quo ruineux et le changement, qu'elle estime incarner.

Montréal est une «tour de Babel», une métropole désorganisée qui compte «trop de taxes, trop de bureaucratie, trop de structures, trop d'élus». Celle qui fait ce constat d'une voix calme, c'est la chef de l'opposition à l'hôtel de ville, Louise Harel, architecte des fusions en 2001. Elle se présentera en 2013 comme la seule candidate capable de ramener la métropole dans le droit chemin.

Elle donne dès maintenant le ton: il n'y aura pas d'alliance avec l'autre parti de l'opposition, Projet Montréal, dirigé par Richard Bergeron. C'est pourtant elle qui a lancé cette idée il y a trois semaines, en marge du congrès de son parti, Vision Montréal. «C'est impossible, lance Mme Harel en entrevue à La Presse. Richard Bergeron m'a expliqué il y a quelques mois qu'il voulait devenir le candidat des ex-banlieues. Ce qui est incompatible, c'est le camp du statu quo dans lequel ils se sont maintenant peinturés.»

Vision Montréal est le seul parti à proposer une nouvelle gouvernance pour Montréal, estime-t-elle. Essentiellement, le programme propose de réduire les pouvoirs des arrondissements, d'harmoniser les règlements, de regrouper certaines activités comme les achats, l'embauche et les immeubles. Si on veut sans détour réduire le nombre d'élus et d'arrondissements, on ne suggère aucune cible précise. «On propose une consultation, on demande un débat public. Notre priorité, ce sont des économies d'échelle avec des regroupements de services.»

Ces économies, assure-t-elle, permettraient de réduire le fardeau fiscal des Montréalais qui a augmenté de plus de 11% en deux ans.

«Il y a un prix à payer pour l'absence d'économies d'échelle. Les Montréalais sont-ils prêts à le payer? Je crois que la réponse est non.»

Centralisatrice?

Mme Harel se rebiffe quand on lui accole l'étiquette de «centralisatrice». «Elle n'est pas fondée. Je suis la marraine d'une loi qui a introduit les arrondissements. Je suis extrêmement favorable aux services de proximité, j'ai été députée pendant 28 ans très localement en contact avec les gens. Mais je pense qu'il faut une harmonisation dans une ville.» Elle donne en exemple le labyrinthe de règlements différents d'un arrondissement à un autre. «Actuellement, c'est la tour de Babel. Les punaises de lit, la stérilisation des chats, ça ne se limite pas à un arrondissement particulier. Un chat, ça ne regarde pas les enseignes pour savoir s'il est dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve ou Rosemont.»

Plutôt que la décentralisation, elle prône la «déconcentration»: on peut par exemple donner les permis dans une multitude de points de service, tout en appliquant une seule réglementation. «Les services de proximité, il faut qu'ils soient donnés le plus près des gens. La délivrance des permis, pas question d'aller à l'hôtel de ville de Montréal. Mais la réglementation, elle, il faut qu'il y ait une cohérence dans la ville.»

Il y a deux ans, lors des élections de 2009, la chef de l'opposition avait le sentiment de «crier dans le désert» lorsqu'elle dénonçait la toute-puissance des arrondissements. La fin catastrophique de la campagne, lorsque son bras droit Benoit Labonté a été éclaboussé par ses liens avec Tony Accurso, «a complètement occulté ce que [le parti] voulait transmettre». «On a été arrêtés en plein élan, la campagne s'est terminé deux semaines avant les élections.»

À 65 ans, celle qui a une grande expérience de la politique provinciale se présente comme la candidate du changement. Elle mise notamment sur ses jeunes élues - presque toutes des femmes - pour offrir cette image de nouveauté aux électeurs. «Des gens de la nouvelle génération, non seulement j'en ai, mais j'en ai aussi la majorité.» La défection de la recrue François Croteau, maire de Rosemont-La Petite-Patrie qui s'est joint à Projet Montréal la semaine dernière, l'a «grandement» étonnée. «Toutes les mesures dont se vante M. Croteau, ce sont des mesures de Vision Montréal. À l'exception des poules.»