Libérer Montréal de l'obligation d'accorder les contrats à celui qui offre le plus bas prix, pouvoir annuler plus facilement les appels d'offres, bannir les entrepreneurs coupables de fraude, voilà ce que le maire Gérald Tremblay demande à Québec comme remèdes à la collusion et à la corruption dans le milieu municipal.

«Ça fait deux ans qu'on demande des modifications très simples, a expliqué le maire en point de presse hier. Je ne dis pas que ça règle tous les problèmes, mais ça discipline grandement le marché. Il me semble que ça créerait une tension utile, un état d'esprit qui nous donnerait la possibilité d'améliorer les soumissions que nous avons, et d'avoir la certitude qu'on a le meilleur soumissionnaire au meilleur prix possible.»

M. Tremblay a réagi à un long article publié dans le quotidien The Gazette hier, démontrant essentiellement que 10 entreprises se partagent le quart des contrats de la Ville de Montréal. «Ce n'est pas quelque chose que nous ne connaissions pas, a-t-il affirmé. Je dis au gouvernement: Nous sommes préoccupés. Est-ce que vous pouvez donner aux municipalités les moyens de contrer cette perception? Ça fait deux ans que j'attends.»

Actuellement, a patiemment expliqué le maire, les villes doivent accorder leurs contrats au plus bas soumissionnaire conforme. Que l'entrepreneur choisi ait été condamné pour fraude fiscale ne l'écarte pas d'emblée. Que le prix demandé par ce plus bas soumissionnaire soit plus élevé que ce que la Ville a elle-même calculé ne lui permet pas de refaire automatiquement tout le processus d'appel d'offres.

«Oui, on peut reprendre l'appel d'offres, mais il faut attendre au moins six mois, a-t-il expliqué. Il faut changer l'appel d'offres, modifier la documentation et le devis. J'ai annulé un contrat de 14 millions à l'hôtel de ville lié au CUSM. Ça nous a donné six mois pour revoir la documentation et le devis. On a fractionné le contrat en trois et on a économisé près de 2 millions de dollars.»

Le droit de négocier

Le problème avec ce délai, dénonce le maire, c'est que nombre de structures montréalaises dans un état critique ne peuvent attendre six mois ou un an avant d'être refaites. «Quand il y a urgence, les gens nous disent que nos infrastructures sont dans un état critique, qu'il faut investir et vite. On est toujours dans une situation perdant-perdant. Si on n'investit pas, on nous dit qu'on met en péril la sécurité des usagers. Et si on agit, on nous accuse de donner le contrat à quelqu'un [...], parce qu'il y a un cartel, parce qu'il y a de la collusion, ou parce que la personne a été condamnée ou a plaidé coupable au niveau de la fiscalité.»

Comme nombre de ses homologues municipaux, le maire souhaite ne plus avoir les mains liées et ne plus devoir choisir le plus bas soumissionnaire. Il veut également pouvoir négocier avec l'entrepreneur choisi pour revoir à la baisse certains aspects du contrat. «On dit au gouvernement: donnez-nous la possibilité de négocier avec le plus bas soumissionnaire, surtout si notre estimé est plus bas que son prix. S'il ne veut pas négocier, donnez-nous la possibilité de retourner en appel d'offres avec le même devis, la même documentation.»