La Ville de Montréal a signifié hier son accord avec la création de «zones franches» soustraites aux référendums, même si des élus et des urbanistes voient là une menace pour la démocratie.

L'instauration de zones franches est la mesure la plus controversée contenue dans la révision de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, à l'étude à Québec. Elle prévoit qu'une municipalité peut désigner des secteurs où les modifications réglementaires - comme un changement de zonage - ne seraient pas soumises aux référendums. Il deviendrait donc impossible à des citoyens de bloquer un projet.

«On ne veut pas brimer la démocratie. On dit seulement que dans certains secteurs il pourrait y avoir une zone franche où il se pourrait qu'il n'y ait pas de référendums», a expliqué hier le maire de Montréal, Gérald Tremblay.

Des représentants de la Ville se sont rendus à Québec, hier, pour les audiences publiques sur l'avant-projet de loi afin de manifester leur appui à la notion de zone franche. Mais le maire assure que cela ne veut pas dire que son administration souhaite en instaurer à Montréal.

«On dit au gouvernement qu'on est prêt à l'évaluer. On n'a pas pris de décision, on va évaluer où c'est possible, si c'est possible, explique le maire. On ne le fera pas en vase clos. On n'imposera pas de décisions pour brimer la démocratie participative.»

Dans le mémoire qu'elle a présenté aux audiences, la Ville laisse toutefois clairement entendre que ces zones s'en viennent à Montréal. «La Ville de Montréal reconnaît que certaines parties de son territoire peuvent nécessiter une requalification urbaine majeure [...] La Ville est favorable à ce que ces secteurs puissent être soustraits à l'approbation référendaire», peut-on lire dans le document.

Vision Montréal estime pour sa part que les zones franches pourraient «être source de tensions sociales, puisque les citoyens se sentiront exclus de la gestion de leur ville», a expliqué la conseillère Véronique Fournier.

Marie-Odile Trépanier, professeure titulaire à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal, croit que la révision de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, vieille de 30 ans, est une excellente nouvelle, mais elle juge sévèrement la notion de zone franche, beaucoup trop vague selon elle. «On peut craindre qu'il y ait une utilisation abusive des zones franches et qu'il y ait perte de la démocratie, dit-elle. Ce n'est pas bien fait et c'est une solution qui risque de créer plus de problèmes. Je n'aime pas la formule.»

Selon elle, rien n'empêcherait que des pans entiers de la ville échappent aux référendums, même le centre-ville.

Le chef de Projet Montréal, lui, estime qu'il ne faut pas craindre les zones franches. Richard Bergeron juge qu'elles pourront favoriser la réalisation de projets importants pour la métropole. «Il n'y a rien qui se fait à Montréal sans débat, sans que les médias s'en mêlent. Tout est passé sous la loupe, dit-il. Référendum ou non, politiquement, les mauvais projets ne sont pas rentables.»

Mais M. Bergeron a néanmoins des craintes pour le reste de la province. «Il y a de petites villes où c'est un bar ouvert», illustre-t-il, et les zones franches pourraient mener à des abus. Le ministère des Affaires municipales devra garder l'oeil ouvert après l'adoption de la Loi, prévient-il.