L'Église de Dieu Mont-de-Sion devra déménager. Établie illégalement dans le quartier Ahuntsic depuis 1999, cette église évangélique chrétienne vient de perdre la cause qui l'opposait à la Ville de Montréal devant la Cour supérieure du Québec. Comme il se trouve dans une zone commerciale, l'immeuble où est établie l'Église ne peut être utilisé comme lieu de culte, a tranché la Cour.

Invoquant la liberté de conscience et de religion, l'Église de Dieu Mont-de-Sion fait valoir que la réglementation municipale contrevient aux chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. Un argument qu'a rejeté le juge Stéphane Sansfaçon de la Cour supérieure dans un jugement rendu le 25 août dernier. «La pratique d'une religion ne s'exerce pas en vase clos et il ne suffit pas d'invoquer la liberté de religion pour écarter l'application d'un règlement municipal par ailleurs valide», observe le magistrat, qui cite un jugement rendu en 2008 dans une cause similaire entre la municipalité de Val-Morin et une communauté juive hassidique.

Le juge conclut que l'Église n'est pas parvenue à prouver qu'il n'y a pas d'autre immeuble où elle pourrait loger, ce qui rend irrecevable la demande fondée sur les chartes. Bien qu'il soit interdit d'ouvrir un lieu de culte au 9166, rue Lajeunesse, la chose est permise dans près de 50 autres secteurs de l'arrondissement.

Le pasteur Forilien Foris, qui dirige l'Église de Dieu Mont-de-Sion, assure avoir multiplié les démarches pour trouver un autre local, sans succès. «C'est extrêmement difficile de trouver un endroit pour un lieu de culte à Montréal, constate-t-il. Dans les zones où on peut en établir un, il n'y a rien à vendre.» Il exclut la possibilité d'acheter une église catholique, toutes trop vastes selon lui pour accueillir ses 300 fidèles, pour la plupart issus de la communauté haïtienne.

Le litige qui oppose l'Église de Dieu Mont-de-Sion à la Ville de Montréal remonte à près de 10 ans. Après avoir dû quitter l'arrondissement de Pierrefonds-Roxboro pour une question de zonage, l'Église a acheté en 1999 l'immeuble du 9166, rue Lajeunesse, dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville. Deux ans plus tard, la Ville de Montréal lui a fait parvenir une mise en demeure après qu'un inspecteur eut constaté que l'Église n'avait ni permis ni certificat d'occupation. Lorsqu'il a fait une demande de certificat, le pasteur a appris qu'il contrevenait au règlement de zonage. Il a donc demandé une permission spéciale, ce que le conseil d'arrondissement a refusé à l'unanimité en 2002. Une seconde mise en demeure et plusieurs constats d'infraction ont suivi et, en 2008, la Ville a décidé de s'adresser à la Cour supérieure.

L'Église de Dieu Mont-de-Sion a 180 jours pour déménager. C'est très peu, dénonce le pasteur. «Je dois partir, je dois vendre cet immeuble, mais où allons-nous? Ça, je ne sais pas.» Le pasteur ne compte pas interjeter appel. Les démarches judiciaires ont déjà coûté 25 700$ à l'Église en frais d'avocats.

M. Foris accuse la Ville de Montréal de s'en prendre aux lieux de culte. «Je ne suis pas le seul (dans la même situation), note-t-il. Je me demande, dans peu de temps, où les églises évangéliques trouveront des places. Ce n'est pas un problème individuel. Ce sont les églises qui sont visées. Il n'y a pas de plaintes. On est là, tranquilles. Bien sûr, il y a de la musique, mais ce n'est pas comme un carnaval.»

L'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville nie s'attaquer aux lieux de culte. «Nous n'avons aucun parti pris favorable ou défavorable vis-à-vis des établissements de culte, déclare le porte-parole de l'arrondissement, Jean-François Circé. Nous avons tout fait pour les aider à trouver un autre endroit. Nos préoccupations sont d'ordre urbanistique. Nous procédons de la même manière pour tous les établissements, qu'il s'agisse d'institutions culturelles, d'industries ou de commerces.»

La présence de l'église évangélique dans ce bâtiment discret ne fait pas l'unanimité dans le voisinage. «On entend de la musique dès 7h le matin, raconte Gilles, qui réside derrière l'église. Les voitures se garent en face. Ça bloque tout.»

«C'est sûr qu'il y a un peu de bruit, surtout le dimanche matin, mais ça ne me dérange pas», a dit pour sa part Georges Rizk, gérant de l'épicerie voisine.

Lors du passage de La Presse, le 3 septembre dernier, les fidèles ne semblaient pas au courant de la décision rendue par la Cour. «On doit partir? a vivement réagi une fidèle lorsque nous lui avons fait part du jugement. Pourquoi? C'est mon église. Je l'aime bien, mon église. On est bien, ici. Très, très bien. Pourquoi on persécute l'église? Pourquoi on persécute des gens qui font le bien?»

L'arrondissement a entrepris des démarches judiciaires auprès d'un autre établissement, une église baptiste de la rue Fleury Est, qui contrevient elle aussi au règlement de zonage. La Cour supérieure pourrait entendre la cause cet automne.