Dans une curieuse cause circulaire, la Grande Bibliothèque du Québec conteste auprès de la Ville de Montréal son avis d'impôt foncier 2011, qui lui coûterait 4,1 millions de dollars. L'organisme, qui relève du gouvernement du Québec, reçoit pourtant une subvention de 7,8 millions de la métropole. La Ville de Montréal, à son tour, reçoit chaque année plusieurs dizaines de millions de Québec en transferts.

La somme en litige tourne autour d'un demi-million de dollars, soit la hausse de l'impôt foncier de la Grande Bibliothèque dans le dernier rôle triennal.

La valeur de l'établissement est passée de 94 millions en 2007 à 109 millions cette année, soit 16% de plus. C'est essentiellement l'immeuble lui-même qui a pris de la valeur, passant de 82 à 95 millions.

Demande de révision

La Grande Bibliothèque a été construite au début des années 2000 au coût de 141 millions, et inaugurée en avril 2005. La valeur de ses immobilisations, y compris les documents, l'équipement et le mobilier, est fixée à 158 millions dans son rapport annuel 2010.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), l'organisme qui gère l'édifice du 475, boulevard De Maisonneuve Est, a donc déposé une demande de révision le 27 avril dernier, sur laquelle la Ville devrait se prononcer d'ici à l'automne prochain. La cause étant pendante, la Ville a refusé de la commenter.

À la Grande Bibliothèque, on confirme avoir déposé une demande de révision de l'évaluation municipale, «dans un esprit de saine gestion», explique la porte-parole Claire-Hélène Lengellé. «BAnQ souhaite connaître les raisons de l'augmentation de l'évaluation du terrain et du bâtiment de la Grande Bibliothèque», a-t-elle précisé par courriel.

Il s'agit de l'un des neuf dossiers de contestation touchant des évaluations de 100 millions et plus, selon un tableau de la Ville de Montréal. La Grande Bibliothèque arrive au neuvième rang, après la Place Versailles (160 millions) et le Centre Bell (276 millions), notamment. En tête de liste se trouve une autre entité gouvernementale: le Palais des congrès de Montréal, qui reçoit 38 millions en subventions annuelles de Québec, et qui conteste son évaluation de 349 millions.

Entente à l'amiable

Le cas de la Grande Bibliothèque est particulier. La quasi-totalité des édifices gouvernementaux, provinciaux comme fédéraux, profitent d'une exemption d'impôt foncier. Québec et Ottawa paient, après entente avec la Ville, une somme «tenant lieu de taxes», qui représente une entrée de fonds annuelle de 244 millions pour Montréal. Ce n'est pas la formule qui a été retenue pour Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

En vertu d'une entente-cadre complexe, la Ville de Montréal s'est engagée en 2004 à subventionner l'établissement, qui avait notamment intégré la collection de la Bibliothèque centrale et une partie de son personnel. En échange, Québec a accepté d'inscrire la Grande Bibliothèque dans la liste des cinq institutions provinciales qui doivent payer leurs impôts fonciers.

Le Musée national des beaux-arts du Québec, le Musée de la civilisation, la Société du Grand Théâtre de Québec et le Musée d'art contemporain de Montréal complètent la liste.

Six ans après son inauguration, la Grande Bibliothèque compte plus de 268 000 abonnés et a attiré 3 millions de visiteurs l'an dernier. Elle a cependant dû procéder à des compressions douloureuses depuis deux ans, après avoir bouclé l'année 2009 avec un déficit de 3,7 millions. L'an dernier, le déficit a été ramené à 1,4 million.