Prisées des enfants par temps chaud, les pataugeoires perdent en popularité auprès des villes québécoises, qui les font peu à peu disparaître de leurs parcs. Pourtant, 12 ans après avoir décidé de se débarrasser de ses bassins peu profonds, Gatineau s'apprête maintenant à revenir sur sa décision pour leur donner une deuxième vie.

«La majorité des villes font disparaître les pataugeoires qui ont besoin de réparations pour les remplacer par des jeux d'eau», constate Luc Toupin, directeur général de l'Association des responsables aquatiques du Québec. Souvent construits dans les années 60, les bassins peu profonds font de plus en plus place à des installations plus modernes de jets d'eau jaillissant du sol ou de structures colorées.

Le mouvement de conversion s'est accéléré depuis 2006, alors qu'on avait détecté des taux élevés de bactéries dans les piscines publiques de la région de Montréal, ce qui avait poussé le gouvernement à resserrer les règles sur la qualité de l'eau dans les bassins aquatiques. Or, la majorité des pataugeoires ne disposent pas de système de filtration et doivent donc être vidées et désinfectées chaque soir pour respecter les normes gouvernementales. Une vidange est aussi nécessaire quand survient un «incident vomitif ou fécal», comme le précise le règlement sur les piscines et pataugeoires, ce qui entraîne, la plupart du temps, la fermeture du bassin pour le reste de la journée.

«Il est difficile de maintenir la qualité de l'eau de ces bassins. Plusieurs ne sont pas munis de systèmes de filtration et les normes provinciales en matière de qualité de l'eau nous obligent à les fermer durant plusieurs heures pour permettre aux produits chimiques de faire leur effet», explique Jacques Perron, porte-parole de la Ville de Québec, où l'on a aussi entrepris de convertir en jeux d'eau les pataugeoires qui ont atteint la fin de leur vie utile.

Difficile d'obtenir un portrait d'ensemble pour Montréal, où les pataugeoires relèvent des arrondissements, mais la plupart de ceux que La Presse a joints ont confirmé qu'ils suivent la tendance. D'ailleurs, pour la première fois, cette année, la ville centre a accepté de partager le coût des travaux de conversion. «On trouve que les jeux d'eau sont plus attirants pour les jeunes. C'est plus actif avec l'eau qui sort de partout. Et personnellement, je trouve ça plus sûr», dit Alan DeSousa, vice-président du comité exécutif.

Ainsi, l'arrondissement du Sud-Ouest compte garder seulement trois de ses huit pataugeoires d'ici quelques années. Déjà, celle du parc Louis-Cyr a disparu en 2009. La prochaine, au parc Le Ber, doit être démolie en 2012.

Même scénario à Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG), où l'arrondissement a décidé de favoriser l'implantation de jeux d'eau. Quelques pataugeoires seront néanmoins rénovées.

En face de Québec, Lévis compte aussi miser sur les jeux d'eau à l'avenir. La Ville indique toutefois que quelques pataugeoires survivront, là où les piscines ont été conçues avec une partie peu profonde juxtaposée, explique Christian Brière, porte-parole de la municipalité.

Jeux d'eau moins chers

Pour les villes, les jeux d'eau ont d'énormes avantages, surtout financiers. Selon une évaluation de CDN-NDG, la mise aux normes d'une pataugeoire coûte trois fois plus cher que sa transformation en jeux d'eau. Au-delà du traditionnel bassin de béton, il faut prévoir la tuyauterie du système de filtration, le bâtiment de service, les douches et les toilettes, énumère François Puchin, porte-parole de l'arrondissement.

De plus, les risques de noyade étant inexistants dans les jeux d'eau, ils ne nécessitent pas de surveillance autre que celle des parents. Un élément majeur pour les municipalités qui peinent de plus en plus à trouver des sauveteurs. En majorité étudiants, ils ne sont en effet disponibles que durant l'été, d'où l'ouverture tardive des pataugeoires, en juin, et leur fermeture hâtive, dès la fin août.

Dans son évaluation sur la conversion des pataugeoires, CDN-NDG a ainsi établi que les jeux d'eau peuvent être utilisés six fois plus longtemps. On peut les ouvrir dès les premières journées chaudes, à la fin mai, et ne les fermer qu'en septembre. Et alors que les petits bassins doivent être vidés toutes les sept heures, les jeux d'eau, activés par un détecteur de mouvements, peuvent servir toute la journée.

Très fréquentées par les démunis

L'expérience de Gatineau, qui avait décidé en 1999 de se débarrasser de toutes ses pataugeoires, montre pourtant qu'elles ont encore leur raison d'être. Alors qu'elle s'affaire à réviser son offre aquatique depuis quelques mois, la Ville a constaté que les gens plus démunis préfèrent fréquenter les petits bassins peu profonds. «Ce ne sont pas les mêmes gens qui utilisent les jeux d'eau, les pataugeoires et les piscines extérieures. Ce ne sont pas les mêmes clientèles», rapporte Jean-Marc Lacroix, responsable de programme aquatique de la municipalité.

Souvent sans piscine à la maison, les enfants de familles défavorisées préfèrent de loin les pataugeoires, où ils peuvent davantage se rafraîchir. «C'est un peu comme la différence entre prendre une douche et prendre un bain», illustre M. Lacroix. Certains de ces enfants sont également parfois laissés sans surveillance et préfèrent les pataugeoires, où des sauveteurs sont toujours présents. Gatineau doit annoncer en septembre prochain que quelques pataugeoires seront reconstruites pour répondre à la demande.